Petite fièvre des 24 ans
2001 a eu son lot de petits films intéressants, comme
Take care of my Cat, passés à la trappe à cause de conditions de sortie défavorables et la concurrence des blockbusters. L'histoire est faite pour se répèter et 2002 nous apporte son lot de films injustement méconnus qui tentent de se créer une place entre film commerciaux et d'auteurs et My Beautiful Days fait évidemment partie de ce lot.
Le titre d'origine du film ("24") est particulièrement bien choisi par rapport à son sujet car le milieu de la vingtaine est une période intéressante: celle de la fin des études supérieures et des débuts dans la vie active. Une période où l'horizon des possibilités est large, où tout est possible; c'est aussi la période où l'indécision et le "sur-place" peuvent prendre hélas le pas et c'est cette seconde possibilité qu'à choisi le film et notre héros. Sa fonction de gardien de parking est particulièrement bien trouvée pour illustrer son immobilisme, durant le film on ne peut pas vraiment dire que c'est lui qui fait consciemment ses choix, l'évolution de sa mentalité est due à l'interaction qu'il aura avec les autres protagonistes qui l'entoure. En premier lieu, on nous présente Bang Eun-Jin(qui avait déjà fait forte impression dans Adresse Inconnue), une mère de famille qui a une relation extra-conjugale avec ce jeune homme: une situation qui crée la fausse illusion chez le héros qu'il est adulte alors que Bang Eun-Jin voit cette relation comme un moyen de retrouver sa jeunesse et sa gloire d'antan lorsqu'elle gagnait des concours de beauté. La deuxième femme qui apparaîtra dans sa vie sera celle d'une ancienne amie d'école et dont il a refusé de sortir avec à l'époque. Du même âge, elle s'avère pourtant bien plus mature que lui et c'est cette différence de mentalité qui empêchera toute relation entre eux. Apparaît en troisième lieu Kim Min-Sun, la plus jeune des trois femmes et encore étudiante. C'est avec son dynamisme et son énergie que les repères de notre jeune homme seront chamboulés: avec elle, il retrouve toute la passion de l'adolescence, période des amours irréfléchis. A côté des ces trois femmes qui représentent trois voies, trois chemins de vie qui s'offrent au héros, on a le personnage du gérant de la laverie, un ancien peintre qui deviendra quelque peu le modèle paternel du jeune homme.
Tout cela peut sembler bien théorique et rébarbatif mais c'est sans compter le talent du réalisateur(Im Jong-Jae qui devient ici l'un des nouveaux réals à suivre du cinéma coréen) et de toutes les personnes impliquées dans le projet. Le casting est irréprochable et on est bien content de voir Kim Min-Sun revenir enfin à des films valables(bye bye Afrika et Bloody Beach). Le style du film se rapproche beaucoup d'An Affair: une réalisation juste, sans effets mais avec une grande puissance évocatrice des sentiments. Néanmoins, la réal donne quand même lieu à un moment de cinéma fort savoureux lorsque les mouvements de caméras se calquent sur les regards des personnages(vous comprendrez en verrant le film). On retrouve aussi de très belles séquences plus simples comme la course à pied entre Kim Min-Sun et le jeune homme ou quand ce dernier déambule le soir dans les rues sur son vélo(image récurrente et du film par ailleurs). Et surtout, un élément de grande importance qui donne toute son identité au film, c'est la superbe musique de Lee Byeong-Wu(retenez ce nom, il a déjà composé la très bonne musique de Mari Iyagi)qui ne verse jamais dans les violons mais donne au contraire dans la douceur des pincements de cordes d'une simple guitare acoustique. Tout ça donne au film et au spectateur un sentiment de légèreté, de douceur et de bien-être: une forme d'insouciance qu'on ne peut qu'avoir à 24 ans... Ces nonante minutes de bonheur cinéphilique sont vraiment dépaysantes et ce serait vraiment dommage de passer à côté.
01 septembre 2002
par
Alain
Sympathique petit film plombé par un fatalisme minimaliste chiant
"24" fait partie de ces films que l'on aime aimer.
En plus de l'estampille "film d'auteur", c'est-à-dire vision du monde et/ou traitement visuel originaux, il est doté de plus ou moins solides atouts: une écriture de personnages subtile et bien pensée, et des dialogues corrects; une belle musique douce et discrète très tendance (c'est mieux quand on en fait moins, les spectateurs y voient plus); une réa en accord avec la musique (discrète); la toujours jolie Kim Min-Sun, qui trouve là son meilleur rôle depuis "Memento Mori"; et un daim dans un parking... si ça ne fait pas un bon film d'auteur, un daim dans un parking, alors où va le monde!
Plus sérieusement, j'en viens au titre de mon texte: pourquoi "24" est-il malgré tout cela un film chiant. Tout simplement parce qu'il n'est doté d'aucun traitement visuel original (j'avais mis et/ou), et que son pendant, la "vision du monde originale", est au minimum syndical. Si certaines scènes, couplées à la musique originale, font mouche, la majorité du film est filmé avec un manque d'ambition ou d'imagination irritant. Et le scénario n'arrange rien...
Notre cher héros, gentil attardé aimant bien les jolies filles et les laveries, couche avec un quadra pour se sentir adulte. Belle histoire (sans ironie); mais il s'ennuie parce qu'il n'aime rien (le fantasme de la génération perdue fait encore des émules!), alors il fuit, et rencontre une ex, qu'il a quitté parce qu'il ne savait pas (il était jeune). Cette ex ne sait pas non plus quoi faire dans la vie parce qu'elle est dure, la vie. Alors elle lui envoie sa petite soeur pour égayer un peu le tableau (très intelligent de sa part alors qu'elle tient à nouveau à lui). Et là, quel vent d'air pur, la petite soeur s'emballe (figure de la joie de vivre et de l'insouciance ultra-éculée), et notre héros (qui n'a pas trop évolué mais faut lui laisser le temps) panique. Il retrouve ses émois de jeunesse (parce qu'à 24 ans tout le monde sait qu'on s'emmerde)! alors il court après un bus, il se prend des coups de batte, il ne dit rien (surtout), etc etc... et voilà.
C'est bien de vouloir coller à la réalité. Certains aimeront le côté lucide de la chose, sans concessions, une image brute de la jeunesse sans idéaux... mais c'est un peu facile. Prenez un jeune abruti qui ne garde sa langue que pour les moments cruciaux (ou plutôt faciles), placez le dans un contexte fermé (une laverie et un parking, le top), mettez quelques filles différentes cherchant des choses différentes comme l'amour, l'amour et l'amour, placez ci et là des petites histoires originales pour colorer le tout (un daim et un peintre), et vous avez votre méga-film d'auteur que certains adoreront puisqu'il est si banal que son potentiel d'identification en est décuplé!
arrêtons les conneries...
L'absence de climax dans tout le film (parce qu'un film c'est du climax sans vouloir passer pour Michael Ovitz) finit de le plomber. Quand on voit que même dans le cinéma de Loach (gonflant au possible), il y a des scènes qui sortent du lot, c'est à désespérer. Bien entendu, on apprécie les scènes de la poursuite du bus, amusante et chargée en significations, ou de la quadragénaire nostalgique, plus intéressant caractère entre tous, ou les scènes intimistes entre le héros et "Mr Jun"... mais ça ne sauve pas la morosité du récit.
Ni ça, ni l'interprétation très bonne dans l'ensemble, et surtout pas le générique de fin...