S'il n'est pas aussi connu des cinéphiles que les cinéastes japonais de l'âge d'or (Ozu, Naruse, Mizoguchi, Kurosawa) ou que les cinéastes frondeurs des années 60 (Imamura, Oshima) et s'il n'a pu bénéficier de la redécouverte a posteriori qu'ont eue les cinéastes de genre Fukasaku ou Suzuki, Kobayashi Masaki a offert au cinéma japonais et au cinéma mondial une poignée de films magnifiques d'ailleurs fort justement récompensés à Cannes et à Venise en leur temps. Il n'y a en effet que peu de cinéastes qui peuvent se vanter d'avoir donné naissance à des oeuvres de l'ambition et de l'accomplissement de Hara Kiri, la Condition de l'Homme, Kwaidan et Rebellion.
les années d'initiation
Kobayashi Masaki naît le 14 février 1916 à Hokkaido de père employé de bureau. Sa mère meurt à 37 ans. En 1933, il étudie la philosophie et l'art à l'Université de Waseda à Tokyo dont il sortira diplomé en 1941. Cet admirateur des cinémas français et américains devient assistant-réalisateur à la Shochiku la même année. Mais en janvier 1942 il se retrouve en Mandchourie suite à son incorporation, puis dans les îles Rukyu en 1944 et est fait prisonnier à Okinawa un an durant. Ces années fourniront en détails autobiographiques son futur monument la Condition de l'Homme. De retour à la Shochiku en 1946, il devient scénariste et assistant-réalisateur de Kinoshita Keisuke, notamment sur le célèbre Carmen revient au pays natal (1951). Très vite, il passe à la réalisation et réalise en 1952 son premier film la Jeunesse du Fils. Entre 1953 et 1957, il tourne 7 films. La Rivière Noire (1957) marque sa première collaboration avec Nakadai Tatsuya.
les grandes années
Entre 1959 et 1962, il s'attelle à la réalisation de la Condition de l'Homme, fresque guerrière en trois parties dont le premier volet reçoit le Prix San Giorgio à Venise en 1959. En 1962, il réalise le méconnu l'Héritage ainsi que Hara Kiri, violente critique du bushido qui lui vaut le Grand Prix du Jury à Cannes en 1963. Avec cette consécration, il peut consacrer un an au projet Kwaidan pour le budget élevé pour l'époque d'un million de dollars. Le film est de nouveau primé à Cannes (Grand Prix Spécial du Jury à Cannes en 1965). En 1967, il confronte avec le nouveau chambara explosif Rebellion Mifune Toshiro et Nakadai Tatsuya et obtient le prix de l'Association de la Critique à Venise cette année-là.
le déclin progressif
En 1968, la Jeunesse du Japon est présenté à Cannes mais repart les mains vides. En 1969, il n'arrive pas à faire aboutir un projet de film sur le Viet Nam. Les ennuis commencent avec la création aux côtés de Kurosawa, Ichikawa et Kinoshita d'une société de production, la Yonki No Kai, qui se retrouve au bord de la ruine au début des années 70 à cause de l'échec de Dodeskaden de Kurosawa. En 1971, il réalise l'Auberge du Mal d'après Yamamoto Shugoro. Adapté du même auteur, le projet Doraheita qui tenait à coeur à Kurosawa et que Kobayashi avait coscénarisé n'aboutira qu'en 1999. En 1974, il tourne pour la télévision japonaise une adaptation du roman les Fossiles de Inoué Yasushi pour renflouer la Yonki No Kai. Il obtient suite à ce succès d'Inoué les droits d'adaptation de Tonko mais un revirement de dernière minute de la DAIEI fait capoter le projet. En 1978, il tourne l'Automne embrasé et en 1983 le documentaire le Proçès de Tokyo. En 1985, la Maison sans Table est présentée au Festival de Venise. Si cette dernière période recèle des films intéréssants, Kobayashi n'aura jamais retrouvé son inspiration des années 60. En 1990, une rétrospective lui est consacrée à la Cinémathèque Française. Il meurt le 4 octobre 1996 à Tokyo d'une crise cardiaque.
source: Positif N°394
Rebellion pourrait à lui seul résumer une oeuvre en colère contre la face noire des valeurs japonaises traditionnelles et contre ce qu'a subi Kobayashi en tant que soldat pendant la Seconde Guerre mondiale. A la compassion d'un Kurosawa, Kobayashi oppose dans son fameux tryptique guerrier une vision noire de l'humanité où les êtres sont obligés de composer avec les circonstances historiques quitte à sacrifier certains de leurs principes pour survivre. Bien loin de ceux du cinéma japonais de l'âge d'or, ses samouraïs vivent dans le besoin et détournent les lois à leur profit (Hara Kiri) ou se révoltent contre l'intrusion de leur maitre dans leur vie privée d'un geste ultime de Rebellion.
Il est très vite passé de l'ampleur classique et des cadrages penchés de la Condition de l'Homme à un cinéma filmant ses samouraïs comme des cadavres ambulants ou des fantomes là où prévalait une approche réaliste (Hara Kiri). L'aboutissement de cette surenchère stylistique est un Kwaidan visuellement somptueux dont il peignit les décors.
Ordell Robbie
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