Yann K | 2.75 | Sept minutes de sexe à 60 ans… et alors ? |
Ordell Robbie | 1.5 | Faux film d'auteur... |
Too Young to die (« Trop jeune pour mourir ») a disputé à certains évènements de la Compétition officielle le titre de film le plus sulfureux du Festival de Cannes 2002. Ce long métrage coréen est en effet auréolé d’un record dans le genre « sexe », catégorie « scène filmée in extenso », rayon « joué par des amateurs dans leur propre rôle », sous rubrique « plus de soixante ans », autant dire qu’il est le seul dans son cas. Il y a donc un ébat sexuel de sept minutes on ne peut plus réaliste, entre deux vieillards, ainsi que d’autres, moins longs mais pas moins suggestifs. On peut trouver cela révoltant ou fascinant, autant qu’une scène analogue entre des pré-ados. Beaucoup de critiques se sont extasiés devant l’audace, plusieurs spectateurs ont été touchés par ce couple si décomplexé. Pour notre part, on va passer pour un ronchon car on a trouvé ça simplement ennuyeux, puisque passé le moment de surprise, la fameuse scène est plus pénible que gênante.
Quant au reste, la somme de mièvreries et de clichés sur l’amour (le coup du Chant de la Jeunesse…) nous aurait sauté aux yeux si le même couple avait eu 40 ans. Car la différence d’âge, comme l’authenticité des faits et des acteurs, ne font que des idées de départ. Elles sont mal desservies par une réalisation qui ne rend pas service à ses acteurs, avec une image DV indigente et des cadres disgracieux. Le réalisateur semble plus poser sa caméra que cadrer des situations, en plus répétitives. Le film essaie de parler de beauté mais ne parvient pas à nous la faire ressentir, nous dit juste que l’amour c’est super. A la fin, on peut se dire : « chouette, on est content pour eux ». Et alors ?
Au Festival de Cannes, Too Young To Die a fait sa petite sensation critique. Du coup, on se demande si le traitement de sujets "tabous" ne va pas devenir une sorte de carte de visite pour le cinéma d'auteur coréen dans les grands festivals, comme peuvent l'être la filiation avec les cinéastes de l'âge d'or pour le cinéma japonais, le côté contremplatif pour les cinémas taïwanais et chinois ou l'apparence de densité romanesque pour le cinéma de genre asiatique. Ce versant du cinéma coréen a offert des oeuvres intéréssantes signées Kim Ki Duk ou Lee Chang Dong mais dans le cas présent il fait figure de cache-sexe de l'absence de vrai projet cinématographique. On peut à limite pardonner un usage "dogmatique" de la caméra portée en mettant ça sur le compte du passé de documentariste de Park Jin Pyo mais le reste semble ratisser large, de ralentis wongkarwayiens à des plans fixes dont les cadrages ne reflètent aucun projet de cinéma -usage gratuit des cadrages plongeants- en passant par le long plan de la scène d'amour dans une totale obscurité où l'on subit des dialogues dignes du film érotique de M6 le dimanche soir et des citations de chansons en ouverture de chaque chapitre censées donner un côté artistique. Et pour le reste l'utilisation de l'accordéon achève de faire sombrer le film dans la mièvrerie, surtout que certaines situations -la "drague" du début entre autres- pourraient se situer dans n'importe quelle mauvaise comédie romantique hollywoodienne si les executives se retrouvaient à essayer de cibler le public du troisième âge. Mais bon les acteurs peuvent parfois sauver ce genre de films: sauf que les acteurs ne font que jouer eux-mêmes et n'essaient pas de communiquer au spectateur leur "vertige" de l'amour. La seule qualité du film est de ne durer qu'une heure, soit deux fois moins qu'un mauvais blockbuster coréen. Et justement le film a été défendu par la critique locale parce que "non formaté": certes, le cinéma d'auteur a actuellement de plus en plus de difficultés à exister en Corée mais cela ne veut pas dire qu'il faille défendre un film au nom d'un "intellectuellement correct".