Alain | 2 | Pas vraiment accroché |
Ordell Robbie | 3 | Assez réussi |
La période comprise entre la fin de la guerre de Corée (1955) et l'explosion de la télévision (1970) correspond à ce qui est considéré comme l'age d'or du cinéma coréen, période d'énorme boom en quantité de la production cinématographique locale associée à de forts résultats au box-office de la production locale. Le film de Kim Soo Yong, cinéaste auquel le Festival International du film de Pusan 2002 conscara une rétrospective, s'il n'est pas le film parfait, révèle une ambition artistique n'a rien à envier à celle du cinéma du voisin japonais des années 50-60 (sans pour autant atteindre son niveau d'accomplissement).
Le film, meme s'il est de facture beaucoup plus classique narrativement, évoque par le monde décrit L' Ile Nue, film de Shindo Kaneto tourné à la meme époque: les deux films partagent en effet la capacité à évoquer les efforts quotidiens de travailleurs appartenant à un monde éloigné du monde urbain (des paysans arrosant un champ chez Shindo, des pecheurs et leurs femmes travaillant dur à terre ici). Leur qualité commune est également le remarquable travail sur le son qui fait du film une expérience sensorielle de haut niveau: les bruits de vagues, de vent suscitent de fortes émotions chez le spectateur et évoquent aux héroines le souvenir de leurs maris emportés par la mer. Au niveau mise en scène, Kim Soo Yong maitrise parfaitement la grammaire du cinéma moderne: travellings d'une ampleur énorme sur la plage, plans larges cotiers construits comme des tableaux, usage des cadrages penchés non pour créer un décalage mais montrer la déstabilisation, caméras passant brusquement d'une chambre à l'autre pour montrer l'exiguité des habitations où tout s'entend ou se rapprochant de façon brusque des personnages pour nous faire ressentir leurs émotions, caméras portées tanguant au rythme des bateaux. Kim Soo Yong offre également quelques scènes fortes: le long travelling sur la plage, les scènes très hypnotiques de prières aux morts, les scènes d'étreintes sur la plage des amants rappelant Tant qu'il y aura des hommes. Les acteurs jouent avec une certaine théatralité et la musique est splendide de lyrisme retenu puis explosif. Au niveau scénario, le film a le mérite de s'éloigner des sentiers du mélodrame classique une demi-heure avant la fin avec la fuite vers la ville des amants pour décrire la condition ouvrière avec la meme attention que celle des pécheurs puis enfin d'offrir une série soufflante de rebondissements qui montreront la fatalité du lien entre les femmes de pecheur et la mer à l'oeuvre.
Thématiquement, le film peut paraitre difficilement concerner un spectateur contemporain: si l'on comprend la difficulté d'etre veuve très jeune et le poids du qu'en dira-t-on, les rapports entre les personnages paraissent assez datés de meme que le type d'enjeux -la fuite du monde rural, la difficulté à s'afficher en amoureux- et ce n'est pas la faute du cinéaste qui décrit des rapports assez vraisemblables pour le monde rural. Plus intéréssant est le rapport entre les femmes et la mer: elles ont l'impression d'y voir le fantome de leurs maris défunts et la mer semble manquer à l'héroine en fuite comme si c'était une partie d'elle-meme. L'autre force thématique du film est la capacité des femmes à savoir se respecter face à un monde d'hommes violents ou possessifs: au final, les personnages du film auront réussi à conquérir leur autonomie et le refus du coté impératif du mariage. Par contre, le reproche majeur que l'on peut faire au film est la banalité, la platitude d'une grande partie des dialogues: si le récit ne nécessitait pas du dialogue niveau Hawks, il reste que cela fait particulièrement tache au milieu d'un ensemble où tous les autres compartiments sont d'un très bon niveau. La voix off du début parait également inutilement explicative.
Malgré tout, le film n'a pas trop finalement pas si mal vieilli. Et surtout il demeure bien plus intéréssant que beaucoup de films coréens actuels.