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Printemps dans une petite ville

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les avis de Cinemasie

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Ghost Dog 3.5 Ô temps suspens ton vol
Ordell Robbie 2.5 Une tentative postmoderne de mélodrame pas vraiment aboutie
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Une tentative postmoderne de mélodrame pas vraiment aboutie

Film marquant le retour d'un cinéaste après 10 ans d'absence pour cause de disgrâce aux yeux du régime de Pekin, ce remake d'un classique du mélodrame chinois reçut un accueil assez enthousiaste de la critique internationale au Festival de Venise 2002. Il est d'ailleurs intéréssant de constater rétrospectivement que ce film montré dans la section Controcorrente faisait écho à deux autres visions du genre présentes en competition officielle: celle de Kitano et surtout le film dont il se rapproche le plus en terme de finalité, Loin du Paradis de Todd Haynes. Dans les deux cas, il s'agit en effet de revisiter un genre en se plaçant dans son contexte d'époque, en faisant un film sur le passé vu de 2002. Un peu comme Haynes montrait l'actualité des annees 50 en invitant le spectateur a faire le parallèle entre la chape de plomb de la Guerre Froide et celle des années Bush Jr, leur conservatisme et le retour à l'ordre moral de l'Amérique contemporaine, Tian Zhuangzhuang reprend un sujet ancien pour montrer l'actualité de ses enjeux. Il y a dejà cette espèce d'ironie du titre vis à vis de ce qui est montré a l'ecran: pas vraiment de soleil pointant le bout de son nez, de nature florissante, juste quelques piaillements d'oiseaux, plutôt des maisons dévastées par la guerre, des nuages. De la à y voir un contraste entre l'image dynamique, tournée vers le futur de la Chine actuelle renvoyée par le regime et sa réalité de chaos et d'incertitude...

Qui plus est, la question de savoir s'il faut être fidele à ses sentiments ou aux usages -mariages arrangés ici-, ressort traditionnel du mélodrame, devient l'écho de la question de la lutte entre tradition et modernité, question valable également dans une Chine actuelle tiraillée entre un nationalisme protégeant farouchement ses traditions et l'influence de plus en plus importante de l'Occident. Et aussi celle de la référence à la valse -une fois avec une version chantée du Beau Danube Bleu, une autre avec un cours de valse donné par le medecin de passage-: pas comme chez les confrères (Wong Kar Wai, Hou Hsiao Hsien, avec lesquels le cineaste a en commun sur ce film la présence du chef operateur Mark Lee Ping) un indicateur de tonalité rythmique mais plutôt un clin d'oeil au Vienne du début du siecle, grand lieu de passage entre tradition (les codes aristocratiques) et modernité (en arts et en psychanalyse) , mais aussi introduction d'une influence occidentale dans un univers traditionnel très codifié, le docteur l'introduisant symbolisant la remise en cause de la tradition par son désir de faire passer les sentiments avant les convenances du mariage arrangé. D'un point de vue formel, l'influence de Mark Lee Ping se fait sentir par la langueur de mouvements de caméra amples faisant écho a la sensation de chaos psychologique, au vertige de leurs sentiments aussi grand que la dureé etireé des plans du film, sentiments qui sont exprimés avec nuance et retenue par les acteurs du film. Sans néanmoins que leurs prestations dépassent le travail bien exécuté et soient touchées par la grâce comme chez Fei Mu.

Le film multiplie également les plans au travers de vitres ou de miroirs, métaphores trop limpides d'un univers où tous avancent masqués. Le cinéaste use également de la focale avec discrétion lorsque le trio amoureux est présent, isolant par exemple la mariée tandis que les deux rivaux discutent. Cet usage de la focale est d'ailleurs peut être trop facilement signifiant. La mise en scène a dès lors tendance à faire dans le symbolisme trop évident. Le film se caractérise aussi par sa complexité psychologique: on ne sait jamais à quel jeu de manipulation jouent les personnages, entre un couple décidant de précipiter le docteur dans les bras de la jeune soeur, un docteur faisant semblant d'aider un couple usé a se ressouder pour mieux essayer de le saper de l'intérieur, une mariée jouant au chat et à la souris avec l'homme pour qui elle hésite entre respect de la tradition et désir de transgression. Subtilité d'ailleurs présente dans l'original de Fei Mu. A la différence près que la maîtrise s'y faisait moins sentir et que Fei Mu avait su trouver la bonne distance à son sujet, celle où la retenue ne sombre pas dans la froideur. Du coup, on est en présence d'une oeuvre dense, très réfléchie mais qui en devient froide à force de rechercher la maîtrise, de vouloir tout contrôler jusque dans les plus petits détails et de ne pas faire confiance aux accidents: "beau" stylistiquement mais glacé, classicisme figé. D'où un projet de mise en scène qui finit par sentir l'académisme.

Parce que désolé pour les défenseurs d'une approche totalement "adulte" du genre, le refus de l'emphase pour émouvoir, la volonté de construire des personnages nuancés ne saurait servir d'excuse à l'incapacité d'atteindre par la retenue la même force que celle des mélodrames classiques.



23 décembre 2003
par Ordell Robbie


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