Très long et exigeant, il n'en demeure pas moins réussi
Dans sa façon de dépeindre la Chine populaire,
sa Chine populaire, le cinéaste Jia Zhang Ke fait penser a du Wang Bing des grands jours. Cette manière si réaliste de capter sur le vif les discussions d'adolescents "dans le vent" étonne par sa sincérité et sa sensibilité, car à n'en pas douter,
Platform est un film documentaire toujours sur le fil du rasoir, prêt à se vautrer gentiment à cause de sa durée excessive et son accomplissement formel fait de plans fixes d'une durée record, ou alors prêt à tomber dans la grâce par son accumulation de portraits touchants que l'on suit au fil du temps. Le contraste est saisissant, presque décourageant car
Platform sonne très souvent juste en dépeignant les conditions de vie de jeunes chinois plein de projets et visiblement attirés par la mode occidentale (sorte de "rêve américain"), mais risque de nuire à sa bonne compréhension car entaché de longueurs infernales. Il est donc à voir comme documentaire, un peu comme le projet fleuve
A l'ouest des rails, que l'on peut suivre par bouts, et ce ne sont pas les décrochages du fait d'un endormissement probable qui pourront jouer en sa défaveur,
Platform peut se découper comme le spectateur le souhaite. Ce ne sont pas les discussions sur la mode du pantalon à pattes d'éléphant ou les représentations rock foireuses qui empêchent à la compréhension car l'oeuvre de Jia Zhang Ke vaut surtout pour ses interprètes, géniaux et confondants de naturel. A la fois constat amer d'une société qui prive ses enfants de liberté et portrait drôle/touchant d'une jeunesse représentant l'avenir du pays,
Platform est à voir en temps que reportage-fiction plutôt que pur objet cinématographique. Une oeuvre extrêmement exigeante.
Le problème de faire des films trop longs
Ce film est quand même risqué ; taper dans les 2h40 pour raconter l'histoire d'une troupe de théâtre en Chine au début des années 80. Il faut que ce soit rudement bien mené pour qu'on ne s'ennuie pas et qu'on suive jusqu'au bout. Malheureusement ce n'est pas passé ainsi. Et pourtant, dès le début du film, on plonge très bien dans le sujet et on assiste gaiement aux aventures de cette bande de jeunes qui montent leur groupe sous fond de changements politiques majeur et à l'ouverture du pays au capitalisme. On y voit nettement le fossé qui sépare les vieux qui veulent respecter les traditions, voire rester très fidèle au parti, et en face les jeunes plutôt idéalistes, qui n'ont que le mot "mode" à la bouche et qui se décalent de la voix suivie jusque là par le politiquement correct. Le film dans son ensemble n'est pas une critique de la politique chinoise du début des années 80 mais plutôt la manière de montrer comment les changements politiques ont influencé sur les nouvelles générations et on semer un certain doute tant sur le point vue travail que culture.
Mais au bout d'1h30, on commence a compter les minutes, et on finit par perdre le fil des conversations ; on pense à autre chose, on regarde vite fait les paysages ou on assiste à des tensions au sein du groupe sans bien les comprendre et on ne fait pas attention quand les changements radicaux apparaissent, et au final on met du temps à saisir vraiment chaque situation, jusqu'à la conclusion tant attendue.
Fort heureusement, les acteurs sont vraiment excellents, tenant bon sur de longs plan-séquences et rendant leurs personnages vraiment attachant. Bien que le film soit vraiment trop long, on peut tout de même admirer la patte de Jia Zhang-Ke qui montre des plans somptueux, et raconte une histoire plutõt intéressante. Dommage qu'il n'est pas raccourci un peu tout ça.
Plaisir Inconnu
Oser faire poser Mao la tête à l’envers sur l’affiche d’un film suppose une sacrée dose de courage, mais également de responsabilité sur le fond et la forme du long métrage qui lui correspond. Or ici, on est vraiment très loin d'un JFK ou d'un Missing : l’affiche osée n’est en fait qu’une promesse non tenue, car la dénonciation du régime communiste de Mao emprunte des chemins détournés, doit se lire en filigrane au dixième degré et se délite sur 2H45 interminables à travers de longs plans larges et fixes. On peut certes s’extasier sur l’interprétation que l’on peut donner à ce choix de mise en scène (les personnages noyés dans un espace trop grand), mais on peut tout aussi bien être plus pragmatique et se demander si ces longs plans fixes et larges ne sont pas là pour économiser des heures de montage et des salaires de perchistes…
Les personnages pleins de rêves et d’espoir se résignent petit à petit face à la tournure politique des évènements, notamment la régression des idées de liberté et d’innovation. Jia Zhang Ke contemple la situation de loin, en spectateur, à la manière d’un Hou Hsiao Hsien des mauvais jours : c'est ennuyeux à crever.
Atterrisage Difficile
Suite à son Xiao Wu Artisan Pickpocket remarqué dans les festivals par la critique internationale, Jia Zhangke confirmait avec Platform la découverte d'un vrai tempérament de cinéaste et d'un talentueux chroniqueur "off" de l'histoire récente de la Chine populaire. Jia Zhangke se fait ici le témoin au travers d'un récit au vrai souffle romanesque de la légère brise de liberté qui souffla sur la Chine durant les années 80, des joies qu'elles a pu susciter et de la désillusion du retour sur terre: le caractère libérateur de l'arrivée de la pop music hongkongaise et taiwanaise, la joie de découvrir le burlesque naif des films indiens en noir et blanc, la possibilté de se distinguer donc d'exister en tant qu'individu par des choix vestimentaires à la page de la mode des grandes villes, la façon dont une coupe de cheveux peut changer totalement une femme (la superbe scène où une fille se voit comparée à une Espagnole et prend ses amis au mot en improvisant un flamenco en tenue adéquate au milieu d'une pièce où se trouve un portrait de Mao, ce dernier détail révélant la capacité du cinéaste à etre plus politique en un plan que d'autres par de longs discours), les joies et les désillusions des amours de jeunesse, la découverte de la clope comme moyen de passer le temps et surtout de rouler des mécaniques, tout ce qui pourrait paraitre anodin mais fait l'effet d'une véritable libération.
Malgré tout, la mise en scène ne prend pas le parti d'etre à quelques exceptions près (la scène du flamenco par exemple) à l'unisson de la libération des personnages: elle chercherait plutot par la dilation de plans cadrés au cordeau à faire ressentir le poids de l'environnement des personnages, de ce monde des ainés incapable de comprendre le désir de s'affirmer de la jeunesse (la critique sur les tenues d'un des personnages ou sur certains classiques littéraires anodins qualifiés de pornographiques). Cette pesanteur de la réalisation rend le film au final plus proche d'un chant new wawe que d'un rock fifties insouciant, le cinéaste soulignant déjà la filiation de son oeuvre avec cette musique (la scène de concert avec riffs de basse portés par l'énergie du désespoir) bien avant que Joy Division ne lui fournisse le titre de son film suivant. Mais puisqu'on en est à parler de cette scène du concert, elle est aussi évocatrice de par les jets de divers objets sur scène d'une certaine punk attitude. A l'instar des punks, les personnages crachent leur désir de changement au visage du monde. Sauf que ce crachat leur revient dans la figure par un drole d'effet boomerang dans la seconde partie du film: ils font l'expérience de la liberté mais cette liberté est aussi l'expérience de l'ennui, du vide qui les entoure, de liens entre eux qui commencent à se faire moins forts. Cette idée du revers du changement fait le lien entre ce Platform et Plaisirs Inconnus où l'Occidentalisation ne ménera à rien une jeunesse désoeuvrée parce qu'elle n'a pas saisi le sens des symboles culturels qu'elle essaie de se réapproprier. Si Platform est une belle réussite dans la version (anglaise de 2h28) dans laquelle je l'ai visionné, il n'en est pas pour autant parfait: si elle recèle encore de beaux moments, la dernière demi-heure du film comporte des longueurs et baisse par moments en intensité, les coupes de la version internationale ont peut-etre eu d'ailleurs un effet bénéfique sur un film (qui dure deux heures quarante cinq dans sa version française et à l'origine plus de trois heures) déjà trop long d'un quart d'heure en l'état.
Au final, Platform demeure néanmoins un film qui compte, une oeuvre qui met en place un "Grand Roman Chinois", une fresque intimiste des illusions perdues. Surtout, il démontre que si le rock n'a plus son lustre d'antan son esprit nourrit de façon bienvenue d'autres arts. Après des écrivains américains (Ellis) et français (Schuhl), c'est au tour d'un cinéaste chinois de s'en faire l'écho dans son art.
Un cri étouffé
Il y aurait beaucoup à dire sur
Platform, mais en résumé : c'est magnifique, souvent poignant. Il y a un grand réalisateur aux commandes de cette épopée minimaliste, qui retrace 20 ans de l'histoire chinoise, et les vingt ans qu'on connait le moins. La première partie représente le village comme un camp avec des murs infranchissables, murs auxquels se heurtent les personnages, murs qui empêchent même d'aimer. Puis la partie "hors les murs", d'apparence plus libre, est en fait tout aussi oppressante. La troupe découvre que leur liberté ne leur sert qu'à mesurer le rien qui les entoure. C'est le spectateur qui est libéré : libre de regarder où il veut dans des plans denses, larges, remplis d'une profonde humanité. Le film pourrait être résumé dans cette scène : une jeune fille regarde les montagnes. Elle veut crier, se défouler, hurler ses envies et défier cette montagne. "Crie", lui dit son ami. Elle cire, mais en étouffant son cri dans son manteau, par peur d'un censeur qui l'écouterait. Tourné dans la clandestinité,
Platform sonne comme un acte de révolte. Evidemment, comme beaucoup de films chinois, il est un peu trop long (à l'origine il faisait même trois heures), un peu trop lent, mais il est difficile de l'oublier.
Au fil du temps
Second film, mais premier scénario écrit par JIA, qui n'avait pu le réaliser vu la longueur. On sent une véritable sincérité, une nécessité d'exprimer de larges parts autobiographiques; tout ce qui s'efface au fur et à mesure de son oeuvre de plus en plus auteurisant et poseur.
La fraîcheur des interprètes, l'audace du propos, le fin sens de l'observation en font un régal...trop long. Style propre de JIA, ses longs plans s'éternisant sont une image de marque absolument éprouvante. Figure stylistique, son film gagnerait en force, si seulement il osait couper dans ce qu'il filme. Aucun doute, que ce procédé plaise à un certain public - personnellement, il atteint mes limites.
Reste, que "Platform" reste son meilleur film à ce jour; une ode à une adolescence passée, un message lourd de sens adressé à ses compatriotes; une oeuvre absolument sincère dans sa démarche.
La coupure temporelle !
Franchement je sais pas pourquoi les réalisateurs chinois font toujours un peu ce genre de films. Ça m'a fait pensé à Bling Shaft, à All Tomorrow's Parties, voire aussi un peu à Voyageurs et magiciens... toujours la même ambiance, les mêmes décors aussi beaux et sales à la fois, la vie réelle est là devant nos yeux, triste. Ils arrivent à chaque fois à nous montrer cette amertume qui plane sur ces villages reculés de la Chine, ce "mal de vivre" ambiant, exprimée autant par la jeune génération que les anciens. Ce sont également des regards intimistes qui nous proposés, très contemplatifs à la fois, où le temps paraît ne pas prendre prise sur ces endroits... D'une génération à l'autre, on a l'impression que tout est figé, l'eternel recommencement. Je ressens à chaque devant ces films comme le poid du labeur de toute une vie de ces gens, une réflesion pessimiste omniprésente.
Pour parler plus précisemment de Platform, le contexte politique met tout de suite les choses au clair sur la nature du film. L'histoire est longue, mélangeant la vie d'une troupe d'artistes à la société de tous les interdits. C'est parfois très lent, voire même super-mega-lent, c'est d'ailleurs un des reproches que l'on puisse faire à ce film qui dure, rappelons-le, 2h45 !
Un bon point par contre pour ZHANG Ke Jia qui sait parfaitement mettre à l'écran la pure société chinoise, d'hier et d'aujourd'hui, de sa jeunesse désorientée et totalement décalée au régime du pays.
Globalement, j'ai senti de fortes longueurs (qui auraient largement pu être évitées sans rien enlever au film), qui malgré la très bonne critique ouverte de son auteur sur sa société, laisse le film bien trop ennuyant et immobile. Je me répète mais j'insiste sur le fait que cette immobilité est créée volontairement, mais trop selon moi.
L'écho.
Le glissement progressif de la Chine depuis le communisme vers le capitalisme sur quinze ans.
De l'économie, de la mode ou de la musique, le moindre changement est perçu de manière infime, à mesure qu'il se répand comme une onde depuis les grandes villes chinoises jusqu'aux provinces les plus reculées où le film se déroule.
Fait de soubresauts, Platform donne pourtant à voir le monde en mouvement, en perpétuelle évolution. Le premier film bilan sur la Chine contemporaine. Une date. Un chef d'oeuvre du plus passionnant des nouveaux cinéastes de Chine continentale.
Et plus que tout, un film Amor.
un grand film
J'attends de voir les autres.
Chorale éclatée
Le quai, second long-métrage de Jia Zhang-Ke, s’appuie sur des partis pris esthétiques et thématiques très prononcés : en comptant les péripéties individuelles d’acteurs initialement issus de la même troupe, il s’appuie sur une narration à plusieurs voies, qui sont autant de points de repères permettant de varier les registres habilement (la comédie, le drame, l’étude de caractères). Ces destinées parallèles, ancrées dans un contexte socio-politique très marqué (l’ouverture de la Chine à l’économie de marché) permettent également de constater le choc des cultures lorsque le pays commença à s’occidentaliser, par l’intermédiaire de la jeunesse.
Formellement, le film joue avec le temps (il dure plus de trois heures) et les effets sur la mise en scène que celui-ci permet. Jia Zhang-Ke construit en effet chacune des séquences de façon tout à fait originale, en utilisant notamment le hors champ pour laisser imaginer au spectateur le dénouement.