Alain | 1.5 | Une grosse déception |
Ordell Robbie | 2.75 | Doux Printemps |
Il est évident qu'après la grande réussite que constituait Christmas in August, j'en attendais beaucoup de ce second film de Heo Jin-Ho(ou Hur Jin-Ho, comme on veut) mais hélas, on dirait que le succès lui est monté à la tête et il nous délivre ici ce que j'aime à appeler: "un pur film de festival". Autrement dit, de par ses choix, One fine Spring Day risque fort de ne plaire qu'à une poignée de cinéphiles assidus et de se rendre hermétique à un plus large public.
Déjà, la réalisation qu'Heo Jin-Ho a choisi est on ne peut plus austère car uniquement composée de plans fixes, à croire que le mot travelling a été rayé de son dictionnaire. On retrouve aussi beaucoup de scènes muettes, ce qui à la rigueur n'est pas gênant car Christmas In August et les films de Kitano utilisaient déjà cette riche facette du non-dit. Mais surtout, ce qui m'a exaspéré au plus haut point lors de la vision du film, c'est le fond. Dans Christmas In August, il y'avait toujours cette part de drame latent quant à la mort imminente du personnage principal et qui de fait, déteignait sur le sens des scènes; mais ici Sang Woo est un jeune homme d'environ 25 ans dont la psychologie et les caractéristiques sont à peine définies, pour tout dire le personnage est plutôt vide, sonne creux. Le sujet et le tournant du film que constituent la séparation et ses conséquences sonnent aussi très faux car la réaction du personnage est très disproportionnée par rapport à son âge car son union ne comportait que peu d'enjeux(si il avait été plus vieux, il y'aurait eu des enjeux affectifs, familiaux et financiers qui seraient entrés en ligne de compte et auraient rendu le film autrement plus intéressant) et on en viendrait presque à lui dire méchamment: "Bon maintenant t'arrêtes de prendre cet air de chien battu et tu vas te trouver une autre femme". Un personnage que j'ai trouvé très lourd est celui de la grand-mère qui est une sorte de projection de Sang Woo dans le futur si il n'arrive pas à oublier Eun Soo: c'est montré de façon très peu subtil et ça énerve au bout d'un moment.
Alors certes, One Fine Spring Day est loin d'être un mauvais film mais il véhicule une certaine idée de cinéma quelque peu "élististe" que je déteste, les vrais réussites venant de films qui savent allier subtilité des émotions et des sentiments humains avec une réalisation et un ton accessible, qui se soucie du spectateur. Si vous venez seulment de vous mettre au cinéma coréen, je ne saurais que trop vous déconseiller ce film.
Un des ratages de One Fine Spring Day est une présence trop insistante de l'accordéon qui plombe certaines scènes du film. Mais pour le reste, sans égaler rayon "réussite mineure" Christmas in August, le film montre la capacité de Heo Jin Ho à se renouveler tout en imposant tranquillement son style. On pourrait en effet croire que l'usage du plan fixe correspond à un désir d'académisme festivalier. Parce que si la caméra est immobile, c'est qu'elle correspond parfaitement à la position du jeune couple au début du film. A la manière dont ils enregistrent le son de la nature, la caméra se fait enregistreuse de la réalité de leur amour naissant. C'est dans l'attention (à la nature, à l'autre) que leur passion se forge au rythme des légers changements printaniers du paysage. Et justement le film prouve que malgré des choix formels très différents de Christmas in August il existe une signature Heo Jin Ho: cette signature se trouve dans la capacité à capter l'impression de légèreté. Dans Christmas in August, ce captage se faisait par la façon de déplacer la caméra à la manière d'une douce brise. Ici, il se fait par le seul découpage des scènes: là où un Hou Hsiao Hsien étire les scènes jusqu'à plus soif pour rendre au spectateur le sentiment de l'irrémédiable disparition des choses, Heo Jin Ho coupe ses plans de façon abrupte qui surprend le spectateur. Il coupe juste assez pour que le spectateur garde une impression aérienne. Le mouvement arrive progressivement pour accompagner les grands changements suscités chez Sang Woo par la fin de sa passion. Le film offre également quelques moments poignants: ceux où Sang Woo enregistre des personnes agées en train de chanter qui recèlent une légère tristesse, le moment poignant où Sang Woo tourne son micro de la fanfare vers Eun Soo qui fredonne le meme air. Le film capte également très bien le moment d'une relation où ce qui avait fasciné chez l'autre (le coté frivole, superficiel, insouciant de Sang Woo à la légèreté synchrone de la nature) finit par devenir irritant et révélateur d'une certaine immaturité.
Le comportement d'Eun Soo peut paraitre peu vraisemblable vu de l'extérieur au vu du peu de probabilité de sa relation à déboucher sur quelque chose de sérieux. Mais cette relation lui aura permis de développer une attention et une sensibilité absentes chez lui au départ et dès lors il s'est retrouvé involontairement à investir beaucoup sentimentalement dans cette relation et meme à croire à sa possible durée. Du coup, c'est la passion qui prédominera d'abord sur la raison dans ses réactions à la rupture et ses réactions sont justement tout sauf celles d'un homme mur, ce sont plutot celles d'un adolescent attardé qui avait naivement cru au grand amour. Les retrouvailles finales toutes en regrets des anciens amoureux une fois que Sang Woo aura fait son deuil de son amour et muri seront alors d'autant plus touchantes. Quant au personnage de la grand-mère de Sang Woo, il est certes caricatural mais le jeu de l'actrice lui donne le coté poignant de certaines figures de personnes agées du cinéma japonais classique. A ce propos, le duo d'acteurs principaux est remarquable de nuance dans leur façon très retenue d'exprimer par de légers regards leurs petits enthousiasmes ou leurs tristesses et la douceur de leur jeu reflète l'attention à l'éveil de la nature des personnages qu'ils incarnent.
En confrontant le genre du film romantique à son propre regard d'auteur, Heo Jin Ho aura réussi un film restant au-dessus du tout-venant du cinéma commercial coréen du genre. Outre les petits défauts précédemment mentionnés, il manque au film d'être aussi souvent touché par la grâce que son précédent. Ce qui fait que le film ne laisse pas forcément une trace impérissable malgré ses qualités...