La ligne jaune
"Ceci n'est pas une histoire vraie" Voilà par quoi débute Maundy Thursday ; c'est plutôt singulier que cela soit précisé au début du film. En général, il s'agit d'un petit paragraphe que personne ne lit plus à la fin des crédits, mais s'ils ont voulu le dire dès le début, c'est que très franchement, il y a anguille sous roche, et que peut-être, le réalisateur ne veut pas que l'on fasse le rapprochement avec une histoire qui pourrait se révéler similaire, sans doute à cause du sujet polémique du film. En fait, Song Hae-Seong tire son film du roman éponyme de Song Ji-Yeong ("Nos moments de bonheur" est le titre coréen), qui raconte l'histoire d'un jeune garçon, Yun-Su, dans le couloir de la mort, condamné pour un viol et quatre homicides. Celui-ci demande un jour a rencontrer la fille qui a chanté à la TV l'hymne national lors d'un évènement dont on ne précise pas le nom (d'ailleurs dans tout le film, on ne donne aucune date). Cette jeune fille, qui a tenté par trois fois de se suicider, accepte de rencontrer le garçon, afin d'échapper à sa mère. S'en suit alors l'histoire d'un orphelin, ayant eu une vie de malheur, qui rencontre une fille riche plus malheureuse que lui...
En Corée, la peine de mort n'est toujours pas abolie. Il n'y a pas eu d'exécution depuis 1998, à l'arrivée de Kim Dae-Jung au pouvoir (qui lui-même avait été condamné à mort sous la dictature de Park Chung-Hee pour propos pro-communistes), mais la constitution et la loi de sécurité nationale prévoient toujours 104 cas d'exécution capitale. En 2004, 58 personnes attendaient encore dans le couloir de la mort. La Corée ayant signé plusieurs traités internationaux contre la peine de mort et les traitements inhumains, elle n'est plus en mesure d'exécuter ses condamnés si elle veut respecter les traités. Depuis 2001, des projets de lois pour supprimer la peine de mort sont en cours de discussion, mais sans arrêt bloqués par la Commission Justice et Législation du Parlement. Pour ceux qui souhaiteraient plus de précision, je recommande de visiter le site francais sur la peine de mort. Donc, Maundy Thursday, sans donner de date, se situe forcément avant 1998, puisqu'il n'est absolument pas question dans le film de condamner quelqu'un sans l'exécuter. On assiste donc aux derniers jours d'un condamné à mort, qui au début ne souhaite que mourir, mais qui va de plus en plus chercher à vivre, attendant le jeudi, jour de sa seule rencontre avec le monde extérieur. On voit ainsi comment vivent les condamnés, numérotés avec une étiquette rouge pour les reconnaitre au sein de la prison. Une chose est tout de même choquante, outre la méthode de mise à mort (la pendaison, erf !), c'est la volonté de donner aux prisonniers une raison de vivre avant de les tuer. Le meurtrier arrive en prison avec la ferme intention d'attendre l'heure de sa mort, voire à l'avancer si possible, et il se retrouve confronté à une rencontre qui va changer sa vision ; mais pourquoi ? Il va mourir. Sans doute pour préparer le prisonnier à affronter sa responsabilité sous un autre angle ; en effet, il doit se repentir et aller sereinement vers sa fin, plutôt que partir l'âme lourde et dure.
A coté de ça, on suit l'histoire dramatique de Yu-Seong, la fille qui vient rencontrer Yun-Su à la prison. Issue d'une famille riche, plutôt mignonne, elle a pourtant tenté de se suicider trois fois, au grand désarroi de toute sa famille qui ne comprend pas son acte. On sait juste que ça a un rapport avec sa mère, et au cours du film, l'incident tragique qui a modifié le cours de sa vie se dévoile. Mais elle ne le dit pas à n'importe qui ; elle n'en parle qu'à une personne : Yun-Su, car il est le seul à pouvoir garder le secret. Mais aussi, c'est parce que déjà s'est établi une relation particulière entre les deux individus qui ont connu la plus grande tristesse possible dans leur vie, et se raconter leurs histoires leur permet à chacun de surmonter leur épreuve. Beaucoup de flashbacks sont utilisés dans le film, mettant en image le récit de chacun d'eux ; très sobres, ils ne dérivent jamais de ce que le personnage serait amené à raconter ; donc pas mal de détails sont occultés, allant directement à l'essentiel selon le narrateur. Par exemple, Yu-Seong ne raconte pas ce qui lui est arrivé, elle raconte ce qui s'est passé juste après avec sa mère pour qu'elle la haïsse depuis ce jour.
Comme pour les flashback, toute la mise en scène est plutôt sobre. Pas de fioriture ; et surtout, le réalisateur ne cherche pas à faire pleurer le spectateur avec des scènes lacrymales trop exagérées ; évidemment, il était difficilement possible de l'éviter pour la scène finale, mais ce n'est pas agaçant comme lorsqu'un réalisateur cherche à faire forcément pleurnicher le spectateur tous les quarts d'heure. Le scénario est bien travaillé et les interprètes sont vraiment attachants. Juste une chose bizarre ; soit Lee Na-Yeong interprète un personnage bien plus âgé qu'elle, soit Kang Dong-Won a un rôle plus jeune, mais la différence d'âge annoncée (au moins 5 ans) entre les deux ne se voit vraiment pas (forcément, ils n'ont que 2 ans de différence). En tout cas, même si Kang Dong-Won me parait pour une fois vraiment crédible, c'est surtout Lee Na-Yeong qui m'épate une fois de plus. Cette actrice est vraiment une révélation, d'une part parce qu'elle tourne à chaque fois dans les bons films (même Teach me English a un certain charme), mais surtout parce qu'elle se donne à fond pour ses personnages, afin de les rendre crédibles. C'est la seule actrice que je peux imaginer en vraie sans en voir un personnage de film, tellement ses rôles semble coller à la réalité. Il y a vraiment un fossé entre elle et les actrices/rôles du style Sassy Girl qui émergent un peu trop.
Bref, gros petit film que ce Maundy Thursday qui propose un drame bien au dessus des mélodrames pour ados qu'on voit beaucoup en Corée. Il va être bien difficile de l'égaler dans le genre, non seulement pour son sujet politique sobrement présenté mais aussi pour son coté humain profond.
24 décembre 2006
par
Elise
Les derniers jours d'un condamné
J'avais très envie d'assister à ce film suite aux critiques très enthousiastes de Gilles C. et de nos 2 autres camarades. C'est notamment l'argument du "drama évitant le mélange des genres et les clichés habituels" qui m'a poussé à le voir.
Quelle déception!
Je m'attendais à quelque chose de relativement profond autre que mélodrame romantique, qui provoque réellement l'émotion chez le spectateur, quelque chose qui rapporte à la dignité ou l'honneur. Rien de tout cela, finalement on est bien en face d'un mélodrame, l'aspect romantique mis à l'écart, mais qui chemine le long du film, puisque les 2 personnages principaux, probablement du même âge (à peu de choses prêts) se côtoient et immanquablement se sentent attirés l'un envers l'autre.
Du côté de la trame scénaristique, alors là chapeau, le réalisateur a tout simplement laissé explosé sa créativité, cette fois-ci ce n'est pas mademoiselle qui sera foudroyé par un décès annoncé pour cause d'une maladie incurable. Ici, c'est monsieur qui est condamné à mort. Là j'avoue, j'en suis scotché.
La condamnation à mort du jeune homme est ainsi omniprésente sur toute la durée du film. Ici, on n'a pas vraiment l'impression de côtoyer le milieu carcéral, tout simplement quand on voit la trogne du détenu qui ressemble plus à un chanteur de pop que d'un criminel. Et encore si il ne s'agissait que de lui... Seulement, c'est quasiment l'ensemble des prisonniers qui sont un peu "monsieur tout le monde", où tout le monde est finalement gentil, le coeur généreux ect... Franchement, je veux bien qu'on ne recherche pas le réalisme, mais je ne suis pas convaincu que ce soit le cas dans une véritable prison hébergent des condamnés à mort. Non franchement, le coup de la bataille de neige comme des enfants qui rêvent, n'importe quoi.
De plus une telle amitié entre Yun-Su et le gardien, je veux bien mais... Sont-ils tous aussi bienveillants?
En ce qui concerne la psychologie des personnages, j'ai trouvé que ça pêchait mine de rien, si le jeu d'acteur, que l'on peut souligner par sa justesse globalement, est bel et bien convaincant pour un mélodrame, en revanche, est entravé par un scénario finalement faiblard et très indécis. Les flash-back apparaissant dans le but de dévoiler le passé des 2 protagonistes sont tout simplement incohérents ou vraiment pas convaincant (franchement, en ce qui concerne le personnage de Yu-Jeong, je me demande si le scénariste avait vraiment une idée claire de ce qu'il voulait démontrer car on atteint le domaine du mauvais).
L'utilisation de la religion est incroyablement clichée, énervant et inutile. On assiste à la première intéraction entre la soeur chrétienne qui se fait envoyer @!#$ par Yun-Su, d'une manière complètement téléphonée. Arrivé au terme du film, tout le monde devient croyant "si Dieu existe...", pour être chrétien moi même, je trouve cette utilisation ridicule et insupportable. On l'utilise au début, pour la mettre de côté ensuite puis revenir à moitié dessus sur la fin.
Le problème final, et ce qui m'a pas mal gêné, c'est finalement les intentions du réalisateur SONG Hae-seong. Est-ce un hymne humaniste qui prend parti pour l'abolition de la peine de mort? Si c'est le cas, le film rate complètement son objectif, de par les clichés habituels (chaque homme peut se repentir, trouver un nouveau départ) de pardon ect... De part les personnages dans la quasi-totalité, tous le coeur chaud prêt à éclater de bonté, de bienveillance et de bons sentiments.
Ce film est néanmoins tout à fait convenable en ce qui concerne la photographie, la mise en scène, des acteurs relativement bons. Bref, en tant que mélodrame quasi-romantique, spectacle tout à fait satisfaisant, mais si on cherche à aller au delà, ce n'est pas le bon.
Magnifique.
Quoi rajouter de plus, Gilles C. a déjà tout dit !
Cela fait plaisir de voir KANG Dong-Won dans un rôle mature, différent de ses précedents rôles de belle gueule ou de "jeune con". C'est un trés bon acteur qui meritait quelque chose de plus évolué.
Quand à l'histoire, je pense qu'elle va toucher certaines personnes plus que d'autres.
Certes, c'est un théme politique, mais pas abordé dans ce sens. Le réalisateur a cherché a faire ressortir l'aspect humain. La réalisation est sobre. Les sentiments des personnages sont montrés de façon trés pudique et intimiste, ce qui donne une impression de réalisme (d'où je pense la phrase du début "Ceci n'est pas une histoire vraie"). Il ne cherche pas à nous faire pleurer toutes les 5 minutes, cela vient naturellement, en echo à nos propres sentiments (et pas qu'à la fin personellement).
En bref, Un trés bon film que je vous conseille (mais pas les soirs de déprime !!!)