Idée originale pour ce film japonais qui vient critiquer sa propre culture en métat en scène deux fans extrémistes de mangas qui tombent amoureux. Les séquence d'humour sont bien placées et à chaque fois que l'ambiance semble retomber, on en remet une couche avec une scène déjantée à la japonaise. Les acteurs sont réellement bons, avec une petite note pour Sakai Wakana qui est vraiment très charmante et touchante dans ce rôle. Le film est certes un peu long, mais finalement ca passe assez vite et on s'y ennuie rarement.
Le terme "Otaku" est souvent utilisé à tord et à travers pour cibler une catégorie de fanboys, geeks ou nerds nippons. Vous savez, ceux qui s'éclatent jours et nuits dans les bars d'arcade pour se défier sur le dernier Virtua Fighter ou Dance Dance Revolution. Ce terme s'adaptant trop souvent pour distinguer les fanboys des gens "normaux", une petite mise au point de sa définition exacte s'impose : je reprendrai dans les grandes lignes la définition du mot "otaku" par l'écrivaine et ancienne mangaka Ichiguchi Keiko, dans son excellent et amusant livre Pourquoi les japonais ont les yeux bridés : "Otaku" est donc l'assemblage de deux termes ou particules différentes. "O", synonyme de respect ou marqueur honorifique que l'on place avant un nom (exemple : Kasan signifie maman et peut être transformée en Okasan pour exprimer une forme de respect). "Taku" signifie quant à lui "famille" ou "maison". En gros, Otaku signifie de sa maison et c'est pourquoi ce terme caractérise les personnes qui restent chez elles pour se gaver de mangas et de dessins animés. L'origine du terme remonte néanmoins à un fait divers atroce, mais Ichiguchi Keiko en parlera bien mieux que moi. "Otaku" cible donc uniquement les amateurs de mangas et non les fanboys s'éclatant dans les sales d'arcade, amalgame trop souvent fait par la presse journaliste.
Otakus in love réussit à rendre ces fameux otakus attachants et plus intelligents qu'il n'y paraissent, dans la mesure où ce ne sont que de simples passionnés, excentriques certes, mais passionnés. Ils ne restent pas plus enfermés chez eux qu'un autre, simplement leur passion est si grande qu'ils ne vivent que de ça. L'introduction est aussi un modèle du genre puisque nos deux héros, Mon et Koino s'amusent à cosplayer (cosplay > ressembler à une idole, réelle ou fictive) sur du Soul Calibur II de manière plutôt réaliste, et il n'est pas rare d'en trouver dans certains coins de Tokyo. Mais les personnes usant de cette "mode" se sentent en général rejetées de la société, et pratiquent le non conformisme total pour se venger ou rester d'éternels enfants dans une société d'adultes qui ne leur convient pas. Mon et Koino n'en sont pas encore là et restent simplement des artistes (l'un réalise des mangas sur pierre, l'autre sur papier) souvent incompris mais débordant d'imagination. Ils se rencontrent d'ailleurs par le plus grand des hasards dans la rue, sous une pluie battante. Mon est un clodo, Koino une artiste ratée. La paire gagnante.
Otakus in love aurait pu être une leçon sur la tolérance, montrant finalement que les otakus sont des personnes comme vous et moi, mais habitées par une passion tellement forte qu'elle en devient obsessionnelle. Mais Matsuo Suzuki préfère jouer la carte de la comédie déjantée et ce n'est pas plus mal : l'humour fonctionne souvent merveilleusement bien, le rythme ne faiblit que très rarement et la brochette d'acteurs convainc dans tous les domaines. Mon est persuadé que son art d'écrire sur pierre sera reconnu un jour ou l'autre, Koino ne fait plus grand chose de sa vie après avoir arrêté la réalisation de mangas, Marimoda (ancien grand mangaka) tient un bar à mangas, Noro (Tsukamoto Shinya) écume les verres dans ce même barre à la recherche d'un artiste à produire, bref, une galerie de personnages croustillants et décalés. En revanche, si l'humour étonne par sa singularité et sa vitesse d'exécution, la réalisation de Matsuo Suzuki n'est pas terrible : caméra sur épaule, gros plans approximatifs et pas esthétiques pour un sou, éclairage foireux...on me dira que la mise en scène est à l'image du bordel ambiant, mais cela reste limite comme justification. Préférez Otakus in love pour son humour maîtrisé et ses portraits de cinglés qui valent, sincèrement, le détour.