L'Amour rend aveugle (et laisse sans voix)
L'homme, qui tourne plus vite que son ombre, celui qui commence sérieusement à rattraper Takashi Miike à grandes foulées en ayant signé une douzaine de films en 2010 et s'est placé plusieurs fois dans le Top Ten du box-office annuel, celui qui réalise tantôt sous le nom de Koya Pagayo, d'Ian Jacobs, de Pingkan Utari ou encore de Ciska Doppert…bref, Nayato Fio Nuala est une fois de plus de retour…pour tourner la séquelle de l'une des plus sirupeuses comédies romantiques de l'année 2006…"Heart"…
Oui, désolé, il ne s'agit absolument pas de l'adaptation du jeu vidéo inspiré du Disney, mais bien et bel de l'uns de ces très, très nombreuses romances indonésiennes, entièrement façonnées au public adolescent avec stars ados du moment (Aliff Ali, mais surtout la bêllissime Irish Bella), intrigue plus terrible que le pire des mélodrames coréens ou dorama japonais (c'est dire) et une bande-son débordant de chansons prêt à être commercialisé dans la foulée…
Alors que reste-t-il pour le plus commun des mortels ayant dépassé l'âge critique des 14/15 ans…Pas grand-chose, je le crains. Premier constat: Nayato détonne toujours autant à l'image, sachant surtout que le film (comme 99% de la production indonésienne actuelle) est tourné en DV. Une qualité au top avec une lumière à tomber…une récurrente ans l'œuvre de Nayato, mais qui semble particulièrement fier de son propre travail, signant sous son (presque) vrai nom, signe qu'il est content du résultat. Il est vrai, qu'il dépote au poste de chef-opérateur / cadreur et réalisateur, même si les nombreux mouvements de caméras inutiles (et que je te décadre, quand ça va mal…et que je te fais une envolée pour finir…dans les arbres dans un moment de relatif calme pourtant…mais mouvement qui fait joli et rappelle le début de la scène du lycée de "Scream 2"…) et les effets de lumière peuvent passablement agacer le vrai fan du cinéma aux exigences "grammaticales" pointues.
Personnellement, j'accroche plutôt bien, fasciné par le travail de plasticien, qui rappelle également la démarche des Frères Pang…mais autant ce procédé ne dérange pas dans les films d'horreur du réal, autant ici, cette démarche ne fait que lourdement souligner une intrigue déjà pas très finaude à la base…L'idylle naissante entre les deux protagonistes est donc soulignée par une succession de fondus enchaînés sur fond de bluette jusqu'à aboutir dans une formidable envolée de lucioles en images de synthèse pour rassurer la belle Indah du noir…Au premier coup dur, le malheureux Pandu marche de nuit et par pluie le long d'allées "décadrées"…sur fond de ballade triste…Pire: la dernière partie est quasi exclusivement constituée de chansons, qui s'enchaînent pour illustrer le malheur des deux personnages et je ne parlerai même pas du dénouement – forcément tragique, qui connaîtrait le genre et le premier épisode et voudrait surtout s'épargner le visionnage de cette œuvrette.
Bref, un produit calibré pour un public parfaitement identifié, qui n'a franchement pas à rougir de ses concurrents nippons, coréens ou thaïs, aux images ultra léchées, aux chansons parfaitement entraînants dans leur genre…mais également un produit à 100 % commercial, tourné à la chaîne et qui manque de ce petit supplément d'âme, qui fait justement la force des vrais mélodrames réussis de la trempe d'Iwai Shunji ou des premiers Hur Jin-ho…