Ordell Robbie | 3.75 | Fin de partie |
Xavier Chanoine | 3.75 | Pas de fumée sans feu explosif |
Peu importe qu'après deux premiers épisodes visuellement très inventifs Fukasaku ait semblé pour les troisième et quatrième volet de sa saga ne faire que reprendre une signature formelle bien rodée. Car après tout le Fukasaku's style, ses téléobjectifs, ses gros coups de zooms, son art de rendre le chaos d'un combat de rue ou d'un gunfight en immergeant le spectateur à l'intérieur de l'action, tout ceci était déjà d'une grande modernité en son temps au point que Friedkin y voie le grand réservoir de solutions formelles de son French Connection. On s'était souvent perdu dans le troisième volet qui posait assez laborieusement toutes les relations entre les clans et la façon dont les guerres de clans d'Hiroshima se mettaient à acquérir une dimension nationale et à refléter les enjeux politiques de leur temps. Mais ce troisième volet aura au moins permis Police Tactics où les efforts fournis se retrouvent récompensés. Police Tactics commence en 1963 et s'achève en 1969. Le décollage économique est alors bien enclenché tandis que les Jeux Olympiques approchent. Et cette période va se mettre à acquérir un parfum de fin d'époque, parfum qui envahira le film au fur et à mesure. Fukasaku nous montre progressivement la façon dont les guerres de clans dépassent le monde des yakuzas pour devenir un véritable trouble de l'ordre public en faisant des victimes civiles.
Mais cette révolte du Japon face à aux sanglantes guerres de clans n'est pas directement montrée: on ne la voit qu'au travers de photos insérées ou de coupures de presse qui scandent la chute d'un système. On ne verra que les perquisitions policières, la façon dont les clans utilisent avec succès la police pour faire tomber un adversaire au risque que cela finisse par se retourner contre eux. On a bien sur encore quelques observations intéréssantes sur la manière dont étaient impliqués les yakuzas dans les paris lors des Jeux Olympiques. Mais on voit surtout une escalade de la guerre des clans où chaque participant tente de convaincre ceux qui veulent rester neutres, y parvient, signant la chute de tous. Ushimoto se retrouve alors de plus en plus victime de son désir de se comporter en businessman plutot qu'en yakuza. Et Hirono va se retrouver à chuter lui aussi en cherchant la vengeance tandis que la guerre des clans fera encore de jeunes victimes. Ce que la révolte de la population et la police tentent d'effaçer, ce sont des figures produits du chaos du Japon de l'immédiat après-guerre qui font désormais tache dans un Japon économiquement prospère voulant oublier tout cela. A la fin de Police Tactics, tous les yakuzas craignent pour leur futur carcéral ou revent de repartir à zéro. Fin d'époque...
Moins surchargé scénaristiquement que le précédent volet, parfois un peu longuet, Police Tactics dégage sur la fin ce parfum de fin de règne, de gachis d'opportunités qui fait le prix des grandes sagas mafieuses. A ce stade, qu'importent les qualités cinématographiques intrinsèques de chaque volet: la série Jingi Naki Takai est déjà le grand roman du Japon de l'après-guerre, un univers difficile à appréhender mais qui vaut bien qu'on fasse l'effort de voir ses tenants et ses aboutissants. En cela, il pèse bien plus dans l'histoire du cinéma japonais que chacun de ses volets et fait meme partie des grandes sagas mafieuses de ces 30 dernières années tous pays confondus.
Note Globale d'estime de la série: 4.75/5
Notes séparées de chaque volet:
Combat sans code d'honneur: 4.5/5
Deadly Fight: 4/5
Proxy war: 3.5/5
Police Tactics: 3.75/5
Final Episode: 3.75/5
Avis Express
De qualité assez remarquable, chaque épisode de cette importante saga sur les yakuza du Japon d’après-guerre apporte une nouvelle pierre à l’édifice Fukasaku, cinéaste alors en pleine possession de ses moyens. Ce quatrième volet tranche avec son prédécesseur du fait de son approche spectaculaire du milieu, alignant les rebondissements à un rythme quasi métronomique, où chaque initiative, agression au couteau ou à la dynamite entraîne une répercussion sanglante. Pour remonter à un tel portrait du Japon, faut-il sans doute retourner au second volet de la saga avec son lot de séquences hallucinantes impliquant notamment Chiba Sonny. Tout l’art du cinéaste se ressent dans ces innombrables cassures rythmiques et ce montage si caractéristique de la série, dont la trame principale se voit rythmée par les articles de journaux et autres arrêts sur image eux aussi caractéristiques de l’œuvre « documentaire » du cinéaste. Ce portrait du Japon sans concession est un des sommets du yakuza eiga des années 70, démontrant jusqu’où les boss peuvent aller pour garder leur souveraineté, mais Fukasaku n’idéalise pas les héros qu’il met en scène, il parvient même à les ridiculiser (Shozo alias Sugawara Bunta abandonné dans la campagne en pleine nuit, un yakuza pris au piège dans une voiture profitant de la panne de cette dernière pour s’enfuir lâchement et raconter ses mérites à deux copains autour d’une bière) ces types comme les autres subissent parfois les reproches de leurs sbires lorsque la fraternité est remise en cause : les reproches à l’encontre de Shozo lorsqu’il reçoit la visite d’un de ses « frères » en taule est aussi vu comme l’une des réalités du monde des yakuza : les hauts placés s’en mettent plein les poches et ne bougent pas leur petit doigt tandis que les sbires vont au charbon sans broncher. D’ailleurs, ce volet brille par ses séquences d’action remarquables, filmées une nouvelle fois avec un sens du cadre chaotique particulièrement stylisé, chaos souligné par le superbe thème de Tsushima Toshiaki un peu plus rapide qu’à l’habitude, comme si le temps était compté et qu’il fallait faire les choses bien et rapidement, quitte à jouer avec la vie de bleus prêts à rendre service lorsqu’on leur offre un joujou à barillet. Dans son dernier tiers, le destin du jeune parieur est un des exemples parfaits de la force de l’engrenage yakuza sur la société. Une réussite totale.