Jeux de guerre
Premier film en couleurs, cette nouvelle adaptation d'une nouvelle (par Prem Chand) se classe parmi ces films, où Ray s'efface derrière le génie de l'écriture pour donner corps aux mots. Savant huis clos, sa réalisation adopte la lenteur – mais également le talent – d'une bonne partie d'échecs. Sa reconstitution historique (l'action se passe en 1856) ne laisse entrevoir que peu de choses de l'Inde de l'époque, ne serait-ce que par la beauté des costumes et – surtout – les nombreux événements politiques.
La partie d'échecs accompagne bien évidemment ces événements, jusque dans un ultime mouvement, où les deux protagonistes principaux, véritables drogués du jeu de société, vont finir par adopter la manière occidentale de jouer, qui se fait inverser l'emplacement du roi et de la reine, parfaite métaphore de la chaise tournante politique du roi abdiquant au profit du règne de la reine britannique…
A l'instar de cette incroyable métaphore, le film est tout en retenue et en subtilités, où chaque mot a son importance et où toutes les apparences sont fausses. N'oubliant de recourir à quelques-unes de ses magnifiques compositions, Ray rend un nouvel hommage à la musique. Nullement stérile ou prise de tête, il insuffle également une bonne dose d'humour pour illustrer la parfaite absurdité de ses personnages, comme de celle de la guerre.