Tout le monde n'a pas la (mal)chance d'avoir eu des parents communistes
"Cambodia 1965" est un document historique essentiel – malgré tout ce qui lui est attaché.
Il se présente comme un témoignage assez unique d'une époque totalement révolue – et incluant même des nombreux plans d'édifices…même d'un train de vie, qui sera détruit peu de temps après.
Pour al plupart des gens ayant connu cette époque, la présentation de ces images procure un réel choc. Le traumatisme d'un passé lointain, d'une foultitude de souvenirs qui remontent, d'images, d'odeurs, de bruits oubliés et/ou refoulés.
Les images parlent par elles-mêmes; aucun commentaire superflu ou texte (autre que les noms de chapitres) ne viennent briser l'harmonie. Bien évidemment la réalité est largement enjolivée; on ne trouvera pas trace d'aucune pauvreté extrême des villes de campagne, ni les bruits des bottes des militaires résonner sur l'asphalte des larges rues. L'inauguration du complexe sportif national ressemble à s'y méprendre aux "Games Masses " nord-coréens dépeints dans le documentaire de Daniel Gordon, "Les filles de Pyongyang". Et dans la version non tronquée, Samdech Norodom Sihanouk, chef de l'état et du "peuple" se met beaucoup en avant, s'attribuant l'harmonie, paix et la beauté des images à son compte.
Première réalisation du souverain, il manque encore clairement d'expérience pour pouvoir davantage manipuler ses images. Il se contente de les capter, de ne montrer qu'optimisme et grandiloquence d'un pays bientôt en feu et en flammes.
Car 1965 est également l'année, durant laquelle Norodom autorise le Vietnam du Nord à stationner des troupes militaires à l'Est du Cambodge et d'instaurer un pont maritime entre la Chine et le Vietnam pour assurer l'arrivée de munitions et autres matériels de guerre pour combattre "l'envahisseur américain". Alors qu'il dit soutenir les américains, il multiplie des discours encourageant son peuple à embrasser les idées maoïstes, pensant la victoire du Communisme dans toute l'Asie du Sud-Est imminente. Dans l'ombre, le jeune révolutionnaire Pol Pot réunit ses premiers fidèles et a même droit à un entraînement spécial en Chine sans que Norodom n'en sache jamais rien.
Tout cela n'est bien évidemment pas inclus au présent documentaire; mais avec le recul, difficile de se débarrasser du souvenir de ces noires années et de la période politique encore plus terrible à venir…Période durant laquelle Norodom trouvera largement le temps d'approfondir ses connaissances cinématographiques, en réalisant son premier long-métrage dès l'année prochaine, "Apsara" (dont la Première Mondiale aura lieu à Moscou).
Un témoignage historique au large goût amer…