Il y a bien longtemps qu'un film hongkongais ne m'avait pas autant surpris. Non pas surpris par la qualité de la réalisation car Edmond PANG Ho-Cheung bien que tout jeune dans le métier a déjà prouvé à la fois sa maîtrise technique et surtout une réelle force narrative. Mais surpris par le regard, à la fois lucide et empli de compassion, qu'il porte sur la jeunesse hongkongaise. Car lorsque l'on essaye de sortir des clichés habituels sur une génération sans espoir, sans envie autre que les plaisirs immédiats, ou des histoires purement sentimentales, les films candidats deviennent rares ces dernières années. Au mieux trouve-t-on un Truth Or Dare: 6th Floor Rear Flat qui sous ses aspects de comédie laisse percer quelques accents plus sociaux.
La réussite d'Edmond Pang dans ce film c'est avant tout la description très juste du mélange de résignation, de conformisme et malgré tout d'idéalisme qui caractérise la jeunesse. Cela rend ses personnages étonnemment réels, tout en sachant garder la part de rêve et de magie que le cinéma doit conserver pour provoquer l'adhésion du spectateur. Sous cet angle Edmond Pang, qui a aussi écrit le scénario, sait parfaitement tirer les ficelles qu'il faut pour rendre son oeuvre à la fois crédible et magique. Le virage qu'il avait entrepris avec Beyond Our Ken trouve avec AV le meilleur prolongement que l'on pouvait espérer. Sans rien abdiquer de son traitement presque chirurgical des relations humaines par sa précision, il y adjoint, avec une bonne dose d'humour pour faire passer le tout, une des plus belles description, drôle et sans concession, de la jeunesse actuelle. Reste maintenant la grande question concernant Edmond Pang: mais où donc s'arrêtera-t-il?....
Edmond Pang est un réalisateur rafraîchissant. Certains le disent surcôté à cause de la faible concurrence à Hong-Kong. Mais comment ne pas lui reconnaître un certain savoir faire dans l'art de délivrer des films difficilements prévisibles, ce qui n'est pas la moindre des qualités dans un paysage cinématographique très balisé. Il a commencé par détourner le film de tueur pour en faire un comédie (You Shoot I Shoot, bientôt disponible en France), puis détourne la comédie pour en faire un film d'"action" (Men Suddenly In Black), enchaîne sur une comédie noire beaucoup moins délirante (Beyond our Ken), pour conclure sur une nouvelle comédie tournée en quelques jours sur un ton beaucoup plus light.
Ces deux derniers films se ressemblent pourtant beaucoup. On y parle de relations amoureuses, sur un faux ton assez réjouissant. Car plutôt que de faire des films réalistes, Edmond Pang aime gratter un peu là où ça chatouille. Ses premiers films avaient démontré sa capacité à jouer sur le ton et les apparences, ses deux derniers le confirment: on se prend à croire à des amourettes d'ado un peu romantiques, avant de comprendre que les apparences sont souvent trompeuses. Evidémment, certains trouveront cela cynique et peu optimiste et n'apprécieront pas tellement de se faire un peu piéger de la sorte, mais en même temps, les personnages d'Edmond Pang ne sont pas malheureux. C'est bien là ce qui dérange le plus dans ses films: la conclusion de Beyond Our Ken était exemplaire à ce niveau, celle d'AV en rajoute une couche. Au lieu de faire un film d'ado classique avec ses erreurs mais son bon gros message "mais finalement ils iront loin nos petits jeunes, ils ont bon fond", AV assume les défauts et les qualités de chacune et chacun, et joue avec les clichés pour mieux nous les retourner dans la figure. Mais sans juger, sans message moralisateur à deux cents d'euro.
La réalisation d'Edmond Pang est qui plus est travaillée sans l'être trop, les jeunes acteurs sont assez bien canalisés (Shine n'a jamais vraiment convaincu jusqu'à présent...), les gags fonctionnent assez bien et le rythme est bon. Bref, pour un petit film tourné en deux semaines afin de décompresser de Beyond our Ken, avouons que c'est plus que convainquant.
Le festival de Deauville 2006 a eu une bonne idée en sélectionnant ce AV salutaire : parmi la pléthore de films noirs et déprimants, ce dernier est apparu comme une bouffée d’air frais et de franche rigolade, une sorte d’American Pie trash mais doux-amer sur une bande de potes qui organise un stratagème délirant pour immortaliser leur dépucelage. La proie ? L’amusante Amemiya Manami, véritable pornostar qui joue ici son propre rôle avec un naturel déconcertant. Au-delà de l’aspect « comédie », pointe également un intéressant portrait d’une « fucking » génération un peu glandeuse et sans grandes illusions pour l’avenir, qui a quelques scrupules en songeant aux glorieuses batailles des générations précédentes pour la défense de valeurs chères ainsi qu’à leur pouvoir de mobilisation, tandis qu’eux ne savent se mobiliser (cf. l’hilarante scène de l’amphi) que pour coucher… Touchant.