Si loin, si proche
Faire de "Apart together" le film d'ouverture du dernier festival de Berlin s'imposait presque comme une évidence: non seulement, son réalisateur Wang Quanan y est en terre conquise ddepuis sa victoire du "Mariage de Tuya", mais évidemment son dernier film, "Apart together", une métaphore d'une éventuelle réunification de la Chine et de Taïwan et de ses conséquences, résonne comme un lointain écho de la réunification récente des deux Allemagne – quelque chose, qui ne pouvait me laisser insensible en trait à mon histoire familiale personnelle de surcroît…
"Apart together", un film dans la continuité parfaite de l'œuvre du réalisateur, qui ne transcende aucun genre et n'est certainement pas son meilleur film, mais qui n'en est pas moins sympathique et attachant et aborde un sujet délicat avec beaucoup de finesse et de sensibilité.
D'après son propre aveu, Wang Quanan cherche uniquement à raconter des histoires, qui lui sont familières…d'où sans aucun doute également l'extrême justesse des situations, des dialogues (scénario écrit par lui et de son acolyte Na Jing) et de l'incroyable prestation de ses acteurs…Car finalement "Apart together" n'est rien d'autre qu'une longue accumulation de scènes de repas et de bavardages, que n'aurait très certainement pas renie el défunt Ozu ou l'un de ses héritiers directs, Hong Sang-soo. Le postulat de départ est aussi simple, qu'efficace: après des décennies de séparation, un veuf annonce à son premier amour, dont il a été séparé quarante ans plus tôt, qu'il revient al chercher dans le Shanghai des années 2000 pour la ramener avec lui à Taïwan…C'était sans se douter des profonds bouleversements qu'a subi la ville chinoise, mais également sa propre amie, mariée depuis et mère de famille et lui-même en ayant vécu loin de la Chine depuis toutes ces années. Un énième regard sur la récente évolution de la Chine donc, mais davantage basé sur ses "petits" habitants que du pays par rapport au reste du monde.
Quanan réussit à brosser un superbe portrait de personnages foncièrement différents, depuis la génération traditionnelle constituée par les vieux amants vivants entre nostalgie et attaches présentes, en passant par les enfants ayant pris leur envol et voyant d'un très mauvais œil cette soudaine "réunification" jusque dans le portrait des petits-enfants, petits êtres innocents en marge des événements, mais qui n'en pensent pas moins. Les acteurs sont tous incroyables et confondant de naturels, notamment dans des plans-séquences durant jusqu'à plus de dix minutes sans que l'on ne décroche jamais et que l'on se surprend de penser davantage à un documentaire, qu'à un long-métrage de fiction. Ling Feng est magistral dans le rôle de l'ancien amoureux transi, qui tente de courir après un passé à jamais révolu.
Un film sur des regrets donc, mais qui sait également montrer le merveilleux de nos situations présentes, car comme le remarque justement Wanang, "Nous savoir séparés est parfois dur à supporter, mais être réunis est parfois pire encore".