Le pays de la vanne
La science est en fête en ce moment et il est encore temps d’aller voir Steamboy sur grand écran. Passons rapidement sur le fond qui n’est pas la plus grande réussite du film. Le thème : la science : à quoi ça sert ? Vaste question. Sans doute peut-on passer des heures et des heures à disserter dessus, le sujet étant encore et toujours d’actualité. Par contre ce n’est pas son traitement dans le film qui va faire avancer le schmilblick. Faire la guerre c’est mal, faisons plutôt en sorte que tous les hommes soient heureux. Forcément tout le monde n’est pas d’accord sinon il n’y aurait pas d’histoire et notre jeune héros n'aurait pas à choisir son camp après avoir tâté un peu des deux. Difficile de ne pas décrocher en cours de route lors des grandes discussions un poil soporifiques entre les personnages qui ressassent sans cesse la même chose sans jamais vraiment évoluer (notamment le père et le grand-père). Si encore tout ce petit monde avait eu un peu plus de consistance mais ce n’est pas le cas et l’attachement est vraiment minimal.
Heureusement, il y a une vraie raison pour aller voir Steamboy en salle : l’émerveillement visuel. A force de se gaver de séries TV et autres productions ultra commerciales, on en vient à oublier que l’animation ça peut être aussi extraordinairement beau. Les images fourmillent de détails sur lesquels le regard s’attarde. Et que c’est agréable ! Comment ne pas s'extasier devant ces magnifiques engrenages, ses machines fantastiques ou simplement sur les survols de Londres ? L’œil passe tellement de temps à tenter de saisir tous les fragments du décor au vol qu'on en oublierait presque les petits défauts d’animation des personnages ou leur chara-design pas forcément séduisant. Chose absolument impossible du premier coup d’ailleurs, le dessin étant vraiment d’une richesse inouïe. Ajoutons à cela que certaines scènes d’action sont si intenses qu’on en retient son souffle et que rien que pour ces scènes-là, ça vaut quelques quarts de point supplémentaires à la note.
Au final, Steamboy n’est peut-être pas le chef-d’œuvre que beaucoup attendaient mais il reste néanmoins un film sympathique et surtout un magnifique et inoubliable spectacle visuel à défaut d’apporter un vrai support à de grandes réflexions philosophiques.
Belle Impasse
Ce que révèle Steamboy, c’est le risque d’épuisement d’une des grandes thématiques de l’animation japonaise de ces dernières années : le fameux « Science sans conscience n’est qui ruine de l’âme ». Vu qu’Otomo en fut un des plus brillants illustrateurs, pas étonnant d’ailleurs qu’il ait scénarisé un remake anime du Metropolis langien dont c’est la grande ligne de force thématique. Ce remake marquait peut être d’ailleurs déjà un point de non-retour en ce qu’il était l’hommage direct de l’animation japonaise à un de ses grands inspirateurs plus ou moins conscients. Projet peut être mûri trop longtemps, Steamboy cherche pourtant à renouveler le cinéma d'Otomo en transposant ses thèmes dans le contexte historique du 19ème siècle et de ses progrès scientifiques et industriels. C'est justement à ce niveau-là que se situent les limites scénaristiques du film. Le personnage du père et du grand-père du Steamboy n’arrivent déjà jamais à être de vrais personnages en chair et en os. Ils ne sont que des concepts philosophiques : la croyance aveugle dans le progrès pour le père, la science avec conscience pour le grand-père.
Ce manque de consistance de la plupart des personnages, on l’aurait accepté si les intentions de Steamboy étaient seulement spectaculaires et s'il n'avait eu aucune ambition thématique. Mais comme ce n’est pas le cas… De même, les dilemmes du Steamboy qui a du mal à choisir entre ces deux « héritages » ne sont pas vraiment développés par le scénario. L’autre problème du film est que son scénario est trop démonstratif. Lorsque les problématiques philosophiques sont exprimées dans les dialogues, c’est très souvent avec lourdeur. Otomo est bien plus inspiré lorsque ces questionnements s’incarnent dans le film de façon purement visuelle. Et c’est justement au niveau du style que le film réussit à faire un peu oublier ses carences thématiques. On trouve ainsi dans Steamboy une maîtrise formelle de tous les instants, maîtrise qui explose lors des scènes d’action au spectacle visuel et sonore total. A défaut de réussir totalement son pari de nouveau coup d'éclat cinématographique des années après Akira, Otomo réussit donc son pari de nouveau coup d’éclat visuel. Mais au vu des limites mentionnées plus haut demeure néanmoins au final l’impression de déjà dit (par Akira) en mieux. La force d’Akira provenait d’ailleurs peut être en partie du fait que sa thématique d’angoisse pré-millénariste vis à vis de la technologie était synchrone du Japon de son temps, bref qu’il s’agissait d’une œuvre tirant son énergie du fait qu’elle était portée par son époque.
Il ne s’agit pas d’enterrer un cinéaste qui vient de prouver que malgré tout on peut encore compter avec lui visuellement. Juste de pointer le risque d’épuisement d’une thématique correspondant moins aux enjeux du Japon des années 2000 et le manque de renouveau de l’inspiration d’un cinéaste qui a de toute façon déjà fait sa place dans l’histoire de son art. Toutes choses qui font de Steamboy une relative déception.
Quand Otomo fait du Miyazaki…
C’est la première impression que j’ai eue à la vision de
Steamboy : Otomo fait du Miyazaki ! Tout y est, les gosses prépubères héros de l’histoire, les grosses machines volantes et roulantes, l’époque rétro, les inventions et les aventures haletantes, ainsi que le grand message écolo-humaniste pour une utilisation raisonnable de la science et des techniques… Il va sans dire que Otomo fait ce qu’il veut artistiquement et raconte ce qu’il a envie, mais on ne l’attendait pas vraiment à cette place après l’immense
Akira et la leçon de mise en scène du segment de
Memories, et la déception pointe son nez assez vite, d’autant que certains personnages provoquent des réactions épidermiques (la petite peste blonde était-elle vraiment nécessaire ?), que certains dialogues sont assez pauvres et s’emberlificotent à n’en plus finir, et que le schéma grand-père adepte de la science fondamentale / père arriviste et assoiffé de pouvoir / fils voulant rétablir la raison et la morale frôle parfois la caricature. On se contentera donc de la dimension divertissante et du gigantesque travail fourni pour les dessins et l’animation, ce qui n’est quand même pas si mal, difficiles que nous sommes…
Joli gigantisme au milieu d'un scénar et de persos totalement... hermétiques.
Quelle déception pour un Otomo Katsuhiro. Otomo quand même !!
Akira, c'est pas rien. Et pourtant, il ne reste pas grand chose de la puissance d'un tel chef d'oeuvre dans
Steamboy. Otomo garde son immense talent à montrer des mécanismes énormes se mouvoir dans une sorte de chaos organisé avant de se détruire dans toute leur superbe. Il reste au moins ça, un gigantisme toujours éblouissant. Steamboy a le mérite de monter en puissance dans un festival de machines de plus en plus énervées, gigantesques et fragiles. A côté de cela, l'histoire est d'un classicisme effrayant, où est le relief d'un Akira ? Je ne crois pas que ce soit l'époque qui empêche à ce type de scénario (science sans conscience...), souvent utilisé au Japon, de briller. Or ici, les personnages avant tout sont terriblement convenus, hermétiques, mono spatiaux, et le chara design tout comme l'animation des personnages ne semblent pas avoir évolué d'un iota depuis Akira. 18 ans bordel !!
Parlons des couleurs, l'uchronie utilisée, pourquoi pas, bonne idée même, mais que ces couleurs sont ternes et sans audace comparées à Akira où même à un Captain Sky par exemple, qui traîte le même genre de contexte avec une palette bien plus limitée, ok, mais avec une vraie idée de mise en ambiance. Ici, tout est clair et sans accident, tout est lisse et propre. Il manque une grosse part d'identité pour que
Steamboy délivre tout ce qu'il aurait pu être. Après une attente énorme de tous les fans et une mise en chantier interminable d'Otomo, la gestation bien trop longue débouche sur un manque flagrant de spontanéïté et un animé juste moyen là où Otomo n'avait pas le droit à l'erreur.
Akira's like light, Otomo wanna be Myazaki.
Aïe!! Ca fait sacrément mal là. Otomo, merdoum...
Les thèmes abordés et l'histoire sont globalement les mêmes que ceux d' Akira, à savoir la dérive des progrès scientifiques, le chaos engendré et un jeune garçon idéaliste au milieu du maelström. Le monde "steam punk" (cf. critique de Last Exile) présenté ici est créé avec minutie, chaque détail, chaque objet se présentant à nos yeux ayant apparemment été longuement préparé... Voilà, c'est bien, nous sommes contents... pour eux. Nous sommes contents qu'ils se soient bien amusés avec leurs joujous. Maintenant le film est ennuyeux, épuisant, la catastrophique BO omniprésente vous fiche un mal de crâne phénoménal et surtout les pompages effectués sur Akira et l'ensemble des créations cybers japonaises sont hallucinantes, d'où le sentiment d'être face à une fausse création, un trompe l'oeil, un doublon...
Le gosse qui découvre un objet volant et doit s'en servir pour progresser, cela nous renvoie à Kaneda dans les égouts essayant difficilement de comprendre le fonctionnement d'un scooter volant; la phrase "Tu vas finir pas blesser quelqu'un" de Kyoko dans Akira est ressortie ici dans un contexte identique par notre héros; du chaos général émergent des objets décalés et enfantins comme des manèges, une roue géante etc, ce qui nous ramène cette fois à l'aire de jeux des trois gosses mutants d'Akira; le tout tourne autour d'une source de pouvoir convoitée, ailleurs c'est "Tetsuo", ici... de la vapeur. Les transformations cyber à la sauce steam punk semblent de plus assez inutiles, le système d'interface de la tour et le contrôle d'une grue nous renvoyant directement à Macross et compagnies... ça n'est pas vraiment nouveau-nouveau tout ça. Pire, cette volonté affichée de faire un gentil divertissement familial exportable fait loucher dangereusement Otomo sur les travaux de miyazaki, Laputa en première ligne, ce qui ne fait qu'énerver d'avantage. Ajoutons à cela qu'il n'y a que très peu de scènes d'action et que les rares instants de "stress" nous montrent les différents protagonistes en train de tourner des roues, d'appuyer sur des boutons, des machins, etc... Passionnant. Quelques rares scènes font malgré tout mouche: cette gamine dansant devant des miroirs ou l'absence de manichéisme lorsque tout le monde influence Steam Boy sur les choix qu'il doit faire, quelques qualités au milieu d'un grand gâchis, à croire qu'Otomo n'est l'homme que d'un seul film - et quel film bon dieu! - et qu'il n'a plus grand chose de neuf à nous raconter...
??????
10 ans déjà que l'on attendait ce nouvel opus du grand Katsuhiro Otomo, le fameux steamboy . Au final, des décors rétro-futiristes grandioses, une très bonne musique, un scénario intéressant ; mais au final un film trop long qui gache notre plaisir . Une demi réussite, à voir tout de même .
Tout ça pour ça
Steamboy d'Otomo s'est longuement fait attendre. Voire trop, pour se retrouver au final avec une histoire simple qui d'ailleurs ne casse pas des briques.Très surprenant de la part du créateur d' Akira. Pourquoi ? Peut être parce que l'histoire se déroule à Londres au 19eme siècle plutot qu'au Japon. En terme de réalisation c'est plutôt nickel. Les plans aériens sont magnifiques. Vu l'époque ou se déroule l'histoire il ne fallait pas s'attendre à grand chose non plus. Mais là où le film déçoit le plus est au niveau de son ryhtme. C'est hyper lent. L'histoire met beaucoup de temps à décoller et la fin est un long tunnel qui n'en fini pas. La musique a beau essayer d' harmoniser l'ensemble mais sans vraiment y parvenir complètement. Pourtant
Steamboy n'est pas un mauvais film. Loin de là. Le problème malheureusement est que j'ai eu la mauvaise impression de me retrouver devant un film pour enfants. Je n'ai rien contre. Mais de la part d' Otomo (créateur d'Akira tout de même) c'est frustrant.
très décevant
Débauches de moyens graphiques pour une histoire qui se finit en queue de poisson. C'est un des rares films où j'ai eu envie de faire avance rapide.
Les personnages sont transparents, l'intrigue est confuse et contradictoire. Il ne faudrait regarder ce film qu'avec de la musique et sans parole.
Marrant de voir que dans le cadre de la promo du film ils vendaient des lithos dédicacées à 150€...
Katsuhiro Otomo signe avec Steamboy un film toujours très personnel où on retrouve sa fascination pour la technologie, la démesure, l'évolution du corps humain, le tout servi par une réalisation d'un très haut niveau. Tous ces efforts sont malheureusement un peu vains, le film étant trop similaire à une référence de l'anime, le château dans le ciel.
a toute vapeur !
Les derniers noms de l'equipe defilent, le rideau se referme. Encorte assis, les reins un peu fatigues d’avoir du subir l’un de ces sieges au confort reduit comme souvent dans les vielles salles obscures japonaise, je ferme les yeux et me dit qu’Otomo est vraiment un genie.
La bande annonce m’avais pourtant laisse perplexe, tres « dessin anime », bien plus que cinema d’animation. Et pourtant... « Steam Boy » est un chef d’oeuvre. Sous fond d’Ere Victoriene, de revolution industrielle et d’Exposition Universelle, Otomo nous livre un merveilleux film d’aventure(s) retro-futuriste au message clair. Car « Steam Boy » s’il est un film pro-technologie et pro avancees techniques, se veut aussi pacifiste. Un film d’aventures donc, au meme titre qu’Indiana Jones, pour ses rebondissements spectaculaires, mais aussi d’aventure humaine, description entomologique d’un Londres, centre du monde, en pleine ebullition, ou la guerre a l’industrialisation n’en porte que trop bien son nom. Personnages profonds aussi, ou le « non-manicheisme » (theme reccurant du cinema « Otomesque ») est presente de facon tellement realiste qu’il nous semble evident que de telles personnes ont existees, et existent encore.
Techniquement « Steam Boy » est tout aussi impressionnant. Jamais la 3D n’aura ete aussi bien integree a la deuxieme dimension. Ici pas d’esbroufe a la PS2, les delires « m’ as-tu vu » sont laisses de cote. Otomo maitrise, impose... Camera au « poing » il delivre des plans incroyables (certains travellings arrieres sont tout bonnement bluffants), et laisse reveur de voir un jour un film « en vrai » tourne par l’homme. Les decors sont sublimes, d’un precision incroyable (notamment les vues aeriennes de Londres), et bien entendu, un soin tout particulier au design de machines a ete apporte, mais etait-ce necessaire de le preciser ?
Neuf annees d’attentes et de peurs pardonnees en deux heures six minutes. Elles en valaient la peine, et deja je me redirige vers ma salle de cinema, prets a subir une fois encore le supplice du siege « casse-reins », reprendre ma dose de « vapeur »
En arrière toute!
Après Akira? Rien. Penser Akira, c'est penser une explosion; Akira c'est notre logique, logique apocalyptique ou post-apocalyptique, penser à la fin, ou à la fin ajournée, ou à une fin sans fin.
Dans Steamboy, Otomo remonte le passé, sonde les conditions d'existence, renoue avec l'innocence perdue pour penser les commencements, penser avec le soleil qui se lève, le siècle naissant, l'exposition universelle, l'utopie progressiste. Steamboy c'est tous les rouages de la machine, un traité sur le monde, un précis de cinématique et de mécanique du solide d'une précision effarante qui va jusqu'au microscopique, le point de bascule, le grain de sable à partir duquel va se produire la catastrophe. Car il n'y a que le commencement qui compte. Steamboy, c'est la célébration d'un instant fulgurant où l'impossible fût à la portée de l'homme tutoyant le sublime, lancé à toute vapeur, virevoletant et tourbillonant et celle de l'artiste qui atteint l'état de grâce dans une oeuvre à l'esthétisme transcendant, exhaltant et bouleversant tous les repères, tous les sens, toute la vie. Court instant. Déja en même temps c'est l'amer constat que la Révolution a déja eu lieu, tout s'est joué mais sur d'autres terrains, univers lointains à vrai dire fantasmés et à peine perceptibles de là où nous sommes.
Après Stamboy? L'air s'échappe en vapeur, la bulle de l'attente, gonflée par le mystique se débalonne, l'entropie croît irréversiblement et notre époque n'a plus que le goût fade de l'après.
Steamworld
En 1990 le nom d’Otomo commença à intriguer puis exciter quelques lecteurs, parfois réunis, souvent éclatés, aux quatre coins du pays. Cette année là venait de sortir Akira en kiosque. Pour la première fois en France un manga était éditée, non sans une certaine discrétion toutefois compensée par une belle édition. Le responsable était Glénat, alors bien téméraire d’importer cette version américaine colorisée du manga. Puis, petit à petit, avant qu’en mai 1991 l’onde de choc soit totale, sismique (quoique toujours souterraine : 10 copies France, très peu d’entrées) et internationale avec la sortie d’Akira le film en salles, des clans commencèrent à naître. Prenant une ampleur de plus en plus considérable avec la sortie vidéo du film (abondamment copiée), le phénomène Akira avait commencé. En devenant un véritable objet de culte teen et punk soft de toute une génération d’initiés, un auteur naquit, et surtout l’animation japonaise devint un objet d’idolâtrie sans précédent, dans lequel nombreux se jetèrent avec une assiduité totale. C’était une époque d’initiés où des fans gloutons s’échangèrent bientôt massivement des copies de troisième génération d’obscurs animés en v.o non sous-titrée, sans cesse à la recherche d’un Graal nouveau à mettre aux côtés d’Akira, chef d’œuvre intemporel et traumatisant.
Peu de temps avant Akira, film triomphe d’obsession apocalyptique post moderne tendance Mad Max crise économique, oeuvre monstre où corps et matières opéraient la synthèse des synthèses par absorption et fusion de l’un dans l’autre, Otomo signait l’un des trois sketchs de Manie Manie, aux côtés de Tarô Rin et Kawajiri Yoshiaki, deux réalisateurs stars de l’animation japonaise. Dans ce sketch dans lequel on pouvait déjà voir un combat titanesque entre deux robots fabriqués à partir de moyens complètement artisanaux - nous sommes en pleine ère Meiji, au début du siècle dernier -, Otomo montrait sa passion pour les ambiances et les machines partagées entre deux époques. Obsession du détail, souci malade des mécanismes, engrenages, tuyauterie, visses et autres soupapes ; représentation d’un Japon du passé dans lequel on croise les objets fantasmagoriques d’une modernité industrielle encore aujourd’hui en devenir. Dans Manie Manie Otomo livrait le croquis de Steamboy, grand film monomaniaque obsédé par le devenir de l’homme avec ses machines.
Le parcours qui sépare ainsi Manie Manie de Steamboy, où l’on rencontre Akira, Memories ou encore Metropolis, film tricéphale dans lequel on croise évidemment la curiosité d’Otomo pour les machines, montre une certaine cohérence dans le parcours de l’auteur. Pourtant Steamboy se distingue. Ce dernier a plus grand chose à raconter, en apparence. Contrairement à Akira dans lequel la narration et les personnages s’équilibraient avec le mouvement plastique et esthétique, Steamboy hésite voir parfois renonce à jouer les dramaturges. Otomo ne paraît guère très convaincu par l’histoire de Ray son héros, jeune inventeur anglais surdoué en pleine époque victorienne, fils et petit-fils d’ingénieurs inventeurs partis pour l’Amérique alors que sonne l’heure de la grande révolution industrielle et du capitalisme. Mais dire qu’Otomo est guère convaincu serait lui faire un mauvais procès. L’histoire de ce jeune homme découvrant les bons et les mauvais côtés de la science et du progrès (en résumé machine de guerre et capitalisme contre amélioration du quotidien et loisir), partagé entre les obsessions démiurges de son père et l’humanisme de son grand-père, sont sans doute en un filigrane plutôt évident les questions de l’auteur. Mais Steamboy, par sa surenchère monstrueuse d’images et de scènes où compte plus le souci du détail millimétré de chaque chose, montre une certaine tendance à l’effacement des figures et du drame au profit d’une émotion visuelle des plus singulières et finalement complètement cohérente qui se révèle être là où le film va à l’essentiel.
C’est en effet là où Steamboy devient un objet passionnant, sidérant, un film où finalement les volontés partielles du discours ont moins à être lues que vues. La nouvelle œuvre d’Otomo n’est pas un de ces films littéraires, il défait toutes tentatives d’assimiler le discours à un récit, et demande à être regardé pour ce qu’il est, du cinéma, des images. C’est là que Steamboy se dévoile pour ce qu’il est vraiment, une fable maniaque et obsessionnelle sur les rapports entre l’homme et ses machines. Le film, par son souci scrupuleux des matières (vapeurs, fumées) et mécaniques (engrenages, pistons, courroies), son attention portée aux textures et architectures baignées dans une tonalité automnale mélancolique, ses décors dessinés avec un réalisme hallucinant, ou encore son déluge d’inventions délirantes liées au thème de la vapeur, travaille une esthétique dans laquelle le regard se confond, se noie jusqu’à l’ivresse. Ainsi importe moins le sens de l’action que l’action elle-même, cette cascade d’effets technique et d’objets mécaniques qui nous plonge dans une expérience sensorielle où les formes élaborées, dessinées avec une précision et une imagination sans précédent, deviennent les éléments moteurs et premiers de la véritable narration du film. Dans Steamboy le personnage principal est moins Ray que la vapeur. Le véritable drame du film réside d’abord dans cette succession d’engins, de décors délirants et d’inventions modélisées entre passé et avenir. Une synthèse qui n’a rien d’étranger pour les Japonais, pays des pays les plus fortement marqués par le partage entre la tradition et la modernité, Meiji et Hiroshima, la révolution industrielle et Nagasaki, un capitalisme aveugle qui ne se pose aucune question et un passé qui pour les Japonais est caché dans le présent.
Steamboy est aussi une métaphore. Véritable fable sur le progrès et la technique, celle-ci, encore une fois, compte moins pour ses prétentions dialectiques que filmique. Otomo ne cesse en effet d’élaborer un monde qu’il construit et défait. Qu’il élabore avec une minutie malade pour ensuite le détruire. Entre pouvoir de faire et de défaire, l’homme se trouve ainsi le maître d’un nouveau pouvoir qui lui échappe et qui le pousse vers le chaos. Tout passe par la technique, la mécanique, la machine dans Steamboy, de la terre à la mer jusqu’à une cathédrale volante et démente qu’on croirait dessiné par Gaudi, l’homme peut tout conquérir et ainsi tout détruire. Cette approche philosophique sur la création, véritable palimpseste esthétique sur le progrès et ses excès, Steamboy le fait vivre sans cesse par son déluge de formes (machines, décors etc.) parfaites qui petit à petit dérive vers leur anéantissement. L’image avec les matières, le mouvement, emporte et situe sans cesse le regard vers ce tableau où le monde devient une sorte de vision paradoxale entre réalisme et fantasme ; une fantaisie de démiurge de l’animation qui imagine et compose un monde devenant une abstraction sensorielle, où l’engendrement devenir de l’homme et de ses machines ne cesse d’être questionné par un jeu de rapports sur la représentation de la modernisation et des objets techniques. Steamboy, objet complètement baroque, formel, visuel et sensoriel, passe ainsi peut-être un peu à côté d’un récit sans doute sacrifié à quelques impératifs commerciaux, mais se révèle être un film, par sa capacité à compenser par une surenchère esthétique fulgurante, passionnant et rare. Il est le signe d’une apothéose délirante de l’imaginaire incontrôlable et du génie de certains cinéastes ou artistes japonais (certes toutefois de plus en plus rares), qui plus que jamais croient d’abord que par la forme réside le fond. D’un regard (iken en japonais) l’on perçoit ce monde tel qu’il est et se montre à nous. Pour les Japonais, les deux polarités (forme/substance, contenant/contenu) ne laissent pas établir un possible cheminement de l’une à l’autre, elles s’impliquent instantanément, la forme donnant en partie la substance. Steamboy est ainsi une œuvre dans laquelle il est inutile d’aller chercher le cacher, les secrets d’une quelconque lecture classique du récit, puisque tout est à l’image, elle seule nous parle, elle seule est la preuve irréfutable des visions apocalyptiques et optimistes du génial Otomo Katsuhiro.
Un animé très soigné, bénéficiant d'un style original et élégant, ainsi que de superbes décors. Un très bon moment en perspective.
UN PEU LONGUET....
Un peu longuet mais visuellement, il n'y a rien à dire. C'est BEAU :) Pour l'histoire, cela reste original sans pour autant froler la perfection comme AKIRA.
La machine à rêver ? Pas loin
16 ans. Cela fait 16 ans que Otomo cherche à monter ce projet mais de multiples contraites (faillites notamment -on comprend que ça a dû coûter TRES cher-) l'ont sans cesse ajourner au point d'ariver à un silence radio. Annulé ? Puis discètement, dans les calendriers, des dates apparaissent, un site ouvre, un bande-annonce est dispo et ......IL EST LA !!! Notre (enfin MON) attente a-telle été récompensé ? Oui, oui, oui et encore oui.
Après avoir fait explosé à la face de l'occident Akira au début des années 90, Otomo décide de concurrencer Miyazaki sur son propre terrain : le film d'aventure populaire et plus précisément Le Chateau Dans Le Ciel. Autant être honnète (au risque de paraître provocateur) : l'élève dépasse le maître. Comment ? C'est ce que nous allons tenter de décrypter.
Véritable innovation dans le domaine de l'anime : les mouvements de caméras extrêment fluides et un montage proche des blockbusters américains qui évite l'écueil du sur-découpage où l'on ne comprend rien allié à une musique symphonique monstrueuse au point de penser que l'on a à faire à du Jerry Goldmsith ou du John Williams façon Indiana Jones (voir Minority Report). Rien que ça....
Mais le vrai point fort de Steamboy est son incroyable cohérence, aussi bien graphique que scénaristique, entre la reconstitution et une réalité utopique (le ...steampunk !) : Londres (et Manchester) sont magnifiquement reconstitué et les machines totalement imaginaires s'intègrent parfaitement au point de réussir à nous faire croire que nous assisstons à une reconstitution !!!! Les morceaux de bravoures sont dantesques (la poursuite sur les rails au début du film, le final dans la Tour Steam, l'attaque des "robots", ....) et le script se permet de verser un petit message subversif sur la valeur de la science (point de vue proche de celui de Henri Poincaré dans La Valeur De La Science, ed. Champs Flammarion -mais Poincaré va plus loin -moi aussi d'ailleurs 'fin bref-) et sur son utilisation (et son utilité).
Car Otomo n'est pas dupe : il nous montre à travers des personnages équivoques (et ce malgré un léger surlignage au niveau des rebondissements) et une rélaité fantasmé que la science sert d'abord et avant tout les militaires. Steamboy ou comment parler du réel en touchant le grand public....
Certes, on pourra trouver se message naïf ou simpliste mais en ces temps d'encéphalogramme plat médiatique (télé-réalité de plus en plus sinistre, films français tout naze avec des acteurs télés ou bouses prétentieuses, émissions de radios aux ordres du pouvoir...), si un anime peut introduire chez le public un début de réflexion, c'est toujours bon à prendre non ?
un peu déçu (mais pas trop).
Force m'est de reconnaître une certaine déception oui...cependant Otomo n'a pas raté son coup pour autant.
Une grande partie est vraiment jouissive, et personnellement, contrairement à la majorité, je ne trouve même pas que ce soit la dernière (où que ça fait boum partout, Otomo style)...
C'est au contraire le principal défaut du film pour moi, cette dernière partie avec la Tour qui s'étire, et s'étire...au moins 3 fois trop longue...
Le film n'a pas l'ampleur d'un Akira à tous points de vue, mais à côté de ça, ne manque pas du tout de rythme et a le mérite d'avoir sa propre "personnalité".
Même si j'aurai aimé un peu plus de développement des personnages, je me dis que finalement, ce côté épuré et le fait de leur tracer un caractère dans les grandes lignes n'est pas si mal.
Le but n'était pas le même que celui d'Akira (bien que similitudes thématiques), ce n'est pas de la SF sombre et barge, mais du steampunk-aventures.
La thématique scientifique est simple mais réussie, et les symboles bien marqués (relation entre les 3 membres de la famille Steam, divergences d'opinions sur l'utilisation des créations = d'ententes entre les générations).
C'est épuré et clair, je préfère l'ambiance et la complexité d'un Akira (va falloir que j'arête de comparer aussi mais j'ai du mal...), mais dans l'immédiat, ça reste un très bon film.
frustrant
belle déception ce STEAMBOY, car autant la technique est maîtrisée, autant l'histoire est franchement pas à la hauteur. on a l'impression que ça a pris 5 ans à concevoir et 10 minutes pour écrire le scénar.
pour en revenir à l'image, ce qui est le plus réussi ce sont les décors, la ville principalement, les grands plans très riches en détails. sinon j'ai trouvé que ça manquait de luminosité et de contraste assez souvent, sans parler des couleurs trop fades. malgré cela le résultat visuel est épatant dans l'ensemble.
le point faible est donc: tout le reste! personnages à peine brossés, beaucoup trop transparents et concrets (le père et le grand père surtout), scénario vraiment pas assez riche pour la durée du film et la grandeur de l'univers visuel, message social un peu vain et éculé, trop naïf. les péripéties ne sont pas très prenantes, le tout manque de puissance au niveau de l'histoire. la fin elle aussi ne m'a pas convaincu, happy end de rigueur (acceptable), et une sorte d'ouverture pour un deuxième volet ou une série, bref le propos de l'auteur est noyé par le déluge technique.
très loin du chef d'oeuvre à mon sens, j'en retiens surtout des plans très travaillés, une histoire qui possède une bonne base et un gros manque de développement scénaristique. dommage car pour moi le film est bien lourd au bout d'une heure.
Un blockbuster efficace
STEAMBOY d'Otomo: un bon petit film de "divertissement familial" dans le très bon sens du terme.
Dans une Angleterre du 19e siècle parallèle, la vapeur représente une technologie importante et avant-gardiste, permettant de mouvoir toute sorte d'appareils, du fil à tisser à la monocyclette. Une famille d'inventeurs tient la vedette: exilés aux USA, père et grand-père du héros, le jeune Ray, ont conçu avec les fonds de la Fondation une source d'énergie basée sur la vapeur condensée quasi illimitée, la Steamball. De retour en Angleterre, commence une lutte acharnée pour la possession de l'invention, sur fond d'exposition universelle et de marché de l'armement.
Nous sommes ici assez loin du chef d'oeuvre, loin d'Akira, loin de l'animation "intellectuelle" et loin d'une quelconque innovation thématique ou même visuelle finalement, mais proche de ce que l'animation peut apporter de meilleur au film d'action, de divertissement pur: entre un Miyazaki (dont on retrouve plusieurs des thèmes de prédilection, ou du moins de nombreux clins d'oeil) pour le coté "divertissement grand public mais qui ne prend pas ses spectateurs pour des cons" et un Honneamise pour le coté uchronique de "technologie alternative", mais sans la poésie de l'un et le côté contemplatif et "Historique" (avec un grand H) de l'autre.
En contrepartie, on gagne la "patte" Otomo: une réalisation nerveuse, de l'action permanente sans essouflement, un certain gout de l'entropie qui transforme certaines scènes en un maellstrom pyrotechnique assez éprouvant et impressionnant pour les sens.
Visuellement, le film est également à la croisée des deux styles évoqués plus haut, la 3D se fait bien plus discrète que dans les dernières productions actuelles, le tout s'inscrit dans les cadres de l' "animation à l'ancienne", mais tous les voyants sont au maximum pour un image et un mouvement de très haute qualité.
Ensuite, les thèmes abordés et les personnages, assez simplistes (pour éviter la sur-caricature, Otomo impose toujours à la plupart de ses protagonistes un déchirement intérieur, entre bien et mal, science sans conscience ou éthique à protéger..mais les ficelles sont ici décidement très grosses), posent bien l'envergure et l'ambition du film: réflexion minimale (certes, le cadre de l'Angleterre du 19e et de la révolution industrielle et la critique de l'armée sont là, mais rien qui n'ai déjà été fait, et de bien meilleure façon), action et divertissement maximum.
Je n'en attendait pas plus, je n'ai eu ni plus, ni moins. Un bon film d'action donc, une fresque "à l'ancienne" comme seul Miyazaki semble encore oser faire, mais sans cette poésie et cette mélancolie discètes qui donnent aux films de ce dernier une portée universelle, et dont l'absence cantonne ce Steamboy au rang de blockbuster sincère. C'est déjà beaucoup.
Plein les yeux
Le grand spectacle est le principal argument de Steamboy. Et à ce niveau, il se défends. Mais malheureusement, quand ça discute trop longtemps science et conséquences, c'est assez ennuyeux (et redondant).
Niveau scénar, on a connu Otomo plus inspiré. Ce n'est même pas la simplicité qui dérange, c'est plutôt le déroulement de l'intrigue et la caractérisation des personnages (le héros est fadasse, quel dommage... heureusement qu'il y a la p'tite Scarlett).
Voilà pour les défauts évidents.
Après, visuellement on en prend plein la gueule (fichtre, ces mouvements de caméra !!! ), on sent que pour la première fois sans doute dans l'histoire de l'animation nippone, il n'y avait pas la contrainte du temps (pas de "deadline", même Miyazaki y est soumis). 9 ans de production tout de même !
Donc grosse claque sur les décors aussi (ça donne envie de s'acheter un vidéo projecteur pour voir tous les détails), et esthétique très sombre assez intéressante et inédite.
Pas le chef-d'oeuvre attendu, mais un film qui marque quand même son époque par son incroyable qualité plastique.