La belle et le bête
Comment être préparé à une telle BOMBE après avoir été abandonné par le cinéma singapourien vers la fin des années '70s sur quelques rares soubresauts de films d'action commerciaux et kitsch (la série des "Cleopatra Wong" et "Bionic Boy") et après la première - et maladroite - tentative de re-activation par la médiocre co-production britannique de "Medium Rare".
Eric Khoo, révélé par ses courts-métrages dans le cadre du "Festival International de Singapore", réussit avec son premier long le double tour de force de re-faire parler du cinéma singapourien (et d'en relancer une mince activité) et susciter un cinéma d'art et essai jusque-là totalement ignoré dans l'entière filmographie de ce petit Etat.
Son film - malgré quelques faiblesses essentiellement dus à un manque de moyens - est un véritable coup de poing, laissant son spectateur assommé. Thème central - et récurrent du cinéaste dans ses futurs films - la solitude et l'impossibilité de personnes à pouvoir communiquer avec leur environnement, le rapprochement entre deux êtres esseulés est magnifiquement (et tragiquement) dépeint. Une macabre histoire d'amour sans aucun échappatoire optimiste, le film renvoie aux dures réalités d'une société singapourienne uniquement focalisée sur une réussite économique individualiste. Il est d'autant plus étonnant, que la Censure de l'époque ait laissé passé le négativisme et les nombreux travers de la prétendue "société modèle" sans aucune égratignure...
Un film marquant.
A noter dans un rôle secondaire important, l'acteur Kay TONG LIM, futur premier rôle dans "Perth" et second couteau dans nombre de productions singapouriennes, mais également dans quelques co-productions internationales comme "Dragon - Story of Bruce Lee" ou "Shanghai Surprise".