Ill-communication
Les films de Satyajit Ray pourraient s'apparenter à des classiques de la littérature: peu de cinéastes possèdent un don similaire à pouvoir aussi bien retranscrire sentiments et états intérieurs des personnages; mais à l'instar des "classiques", ces films ne répondent à une attente d'un jeune public. Ses œuvres ne s'apprécient qu'au fil des années, en s'armant d'une patience nécessaire à accepter le long rythme de l'ensemble, à voir au-delà des subtilités métaphoriques et à posséder un recul purement humain nécessaire pour pleinement apprécier ces tranches de vie hyperréalistes.
Le début de "Charulata" pourrait ainsi faire penser à "Madame Bovary" avec une femme mondaine enfermée dans un carcan sociétaire – à la différence près, que Charu est bien plus liée à un système de caste renforcée dans l'Inde traditionnelle et qu'elle fait certainement preuve de bien plus de passion (et d'intelligence) que l'égoïste Emma.
"Charulata" est souvent considéré comme LE chef-d'œuvre du cinéaste, avouant donner une préférence toute personnelle pour cette œuvre au sein de sa prolifique carrière. Effectivement, jamais encore sa réalisation était aussi chiadée, les sentiments refoulés extériorisés par un savant découpage et un jeu d'acteurs exceptionnels. On pourra peut-être regretter une certaine fougue absente dès débuts, ainsi que l'absence d'un aspect plus documentaire, que le cinéaste avait cœur à insérer dans ses précédentes œuvres. "Charulata" tient davantage du huis clos sentimental, enfermant littéralement ses personnages dans leur condition et l'impossibilité de mener à bout leurs réelles aspirations (la passion de l'écriture, comme la réelle nature de leurs sentiments).
Le dénouement est de toute beauté avec une mention spéciale pour l'idée de génie de la terminer sur une espèce de photomontage (idée inspirée par "Les 400 Coups" de Truffaut), idée visuelle de génie (pour l'époque et le pays) allant de pair avec celle de al scène de la balançoire (pour laquelle il faut avoir l'estomac bien accrochée pour celui qui voit le film sur grand écran…).