Petit deviendra grand
Peut-être le moins bon des trois – mais tout est relatif et ce "Monde d'Apu" (qui porte très bien son nom) est la brillante conclusion de la superbe adaptation de roman par Ray.
Une nouvelle fois, la vie d'Apu est fait de bonheurs et de malheurs. Désormais adulte, il va être initié aux joies de l'amour – et d'une manière bien curieuse. Marié "par hasard" à une jeune et belle femme, sa condition n'est pas très différente de celle des nombreux "mariages arrangés", sans l'avoir été dans le cas présent. Il ne reste pas moins, que les deux jeunes gens devront apprendre à se connaître et apprécier mutuellement.
La drôle de petite vie d'Apu trouve une nouvelle résonance dans ce troisième épisode. Certes un érudit, il n'en demeure pas moins, qu'il n'arrive à payer son loyer et qu'il ne trouve de travail, surdiplômé qu'il est. Sans un sou, il s'inquiète du bonheur de sa femme, fille d'un riche marchand et lui demande si elle saura vivre dans la pauvreté. Dès le départ, elle le suit, non sans craquer lors d'une discrète scène chargée en émotion en découvrant sa nouvelle pièce de vie tout sauf luxueuse.
Une nouvelle fois l'obstination d'Apu à emprunter son propre chemin va lui faire abandonner un être cher, causer malheur et faire "avancer" dans la vie. Jeune écrivain en herbe, il peut certes se référer à un certain vécu, mais ne connaît encore rien au "grand air" et "à la vie". Il entame donc un superbe pèlerinage, tel un da Vinci traversant les Alpes pendant des mois, pour observer le monde et comprendre des choses aussi simples que la fraîche brise au petit matin ou le doux toucher satiné d'une feuille verte.
La fin prouve une nouvelle fois, que l'Histoire n'est qu'un éternel recommencement – et de confier à Apu une nouvelle mission vitale; une qu'il ne sera pas prête d'abandonner et au cours de laquelle il va apprendre encore bien davantage sur les joies de vivre.
Quand y en Apu y en a encore
Dans ce troisième et dernier volet de la destinée d’Apu, le petit garçon espiègle des débuts a bien grandi mais ne connaît pas encore grand-chose à la vie. Du moins certaines choses. C’est en devenant malgré lui la roue de secours d’un mariage en voie d’avortement qu’il découvrira l’Amour avec un grand A. Mais comme l’existence n’est pas le lit de la Yamunâ, aux joies succèdent les peines et ainsi de suite. Après le monumental
Salon de Musique, Satyajit Ray revient à une veine plus tendre et universelle tout en s’intéressant pour la première fois à un environnement urbain qui ne semble guère plus rose que les bambous et les cahutes de
La Complainte du Sentier. « Tu as un diplôme d’études, bah, que veux-tu qu’on en fasse ? » rétorque-t-on au bon Apu qui tente sa chance dans les basses besognes pour payer les arriérés et manger à sa faim. Il y a du bonheur et de la drôlerie derrière la misère (les saines querelles entre amis, l’épanouissement de la vie de couple) mais aussi de ces moments d’émotion brute que Ray laisse inopinément surgir, rendant l’effet poignant comme jamais. Photographié avec une approche plus « terre-à-terre » que les autres opus de la trilogie et bercé une fois encore par les ébullitions sitaresques du grand Ravi Shankar, ce
Monde d’Apu clos de bien belle façon les portes d’un éblouissant univers.
Chef d'oeuvre no3
Le monde d'Apu realise un peu plus tard que les 2 autres (L'excellent "Salon de musique" vient s'intercaler entre Aparajito et celui-la) est souvent considere comme le moins bon des 3. C'est peut-etre vrai mais la difference est mineure. Le film suit la vie d'adulte de notre ami Apu avec une fois encore la mort mais aussi l'espoir comme lors de la bouleversante derniere scene. Tel le genial Kurosawa de Ikiru-Akahige-Dode's Kaden, le Ray d'Apu est un humaniste, l'homme transcende sa condition absurde et pauvre. Ces histoires japonaises ou indiennes sont tellement fortes que leur message est universel. Plus de 50 ans apres et a 25,000 km de la, on ne peut que benir le jour ou Satyajit Ray a pris sa camera. Le cinema ne peut pas etre meilleur que ca.