Le Festival du film asiatique d’Udine est quasiment devenu une institution dans le genre depuis sa première édition en 1999. Aucun festival à ce jour (en Europe du moins) n’a pu proposer un programme aussi foisonnant que celui d’Udine et cette sixième édition ne fait que confirmer ce point de vue. Un total de 56 films et une vingtaine d’invités permettent en effet de dresser un bilan de santé de la production asiatique en proie à une crise qui semblait s’éterniser ces dernières années. Ici, les pays actuellement les plus productifs sont représentés (Chine, Corée du Sud, Japon, Hongkong) aux côtés des « représentants » plus modestes qui, depuis quelques années, sortent (toute proportion gardées) du « ghetto » cinéphile (Thaïlande, Philippines et Singapore). Tout l’intérêt du festival étant de présenter une sélection suffisamment éclectique, allant du film purement commercial au film plus intimiste, tout en préservant une certaine homogénéité malgré que la tendance actuelle (depuis toujours diront certains) donne un avantage logique à la première catégorie et ses films mainstreams. A Udine, on ne cède pas vraiment à la nostalgie et ceux malgré la présence chaque année d’une rétrospective dédié à un réalisateur (le plus souvent perdu dans des oubliettes obscures), un hommage tout à son honneur qui se focalisera cette fois ci sur le cinéaste de genre japonais Jun Ichikawa et sur l’auteur HK de Wu Xia Chor Yuen. Evidemment cette variété dans la sélection peut gêner les plus élitistes (espèce qui ne sera jamais en vois de disparition …) habitués des rétrospectives, seulement voilà le Festival d’Udine n’a rien de rétro ou d’auteuriste, ici tout cinéma a sa place et chacun est libre de faire son programme, sur 56 films il y a le choix et c’est un luxe qu’il est bon de souligner. Pas de paillettes non plus à Udine, on n’est très loin des « festivals bunker » ou l’accent est mis sur un tapis rouge miteux, ici nul besoin de passer par des hordes de vigiles pour espérer discuter avec un réalisateur ou un comédien, tout est misé sur la convivialité pour le plus grand bonheur de tous. Inutile de vous le redire, le Far East d’Udine est une référence.
Une belle rétrospective de cinq films signés Jun Ichikawa avec en ouverture du festival son premier film Busu portait mélodramatique d’une geisha, inégale mais fascinant, suivi du très contemplatif Tokyo MaryGold (le plus récent de ses films présentés) ou Jun Ichikawa dépeint un couple tokyoïtes déchiré par le doute. Plus important et un des films phare du festival, Dying at a Hospital est une somptueuse déclaration d’amour à la vie en prenant comme sujet difficile la souffrance de personnes gravement malade. Adapté d’un livre écrit par un médecin pratiquant, le film ne mériterait pas de rester dans l’anonymat. Et pour clore cette rétrospective, « Tadeon and Chikuwa », film porté par Koji Yakusho en chauffeur de taxi pathologique. D’autre part, des films plus récent eux, avec en fil de chef, l’excellent Josee, the Tiger and the fish film sur la relation entre un étudiant japonais et une handicapée, original dans le sujet et plein de finesse, a voir absolument. A côté, un film plus fatiguant Cat’s Eye, un film tourné en DV et totalement hystérique qui au final n’est plus qu’un simple délire visuel. La marque de la honte est réservée a Bayside Shakedown 2, une soit disant comédie (quel mensonge) qui tourne involontairement en ridicule un commissariat de police, aussi ennuyeux que le premier qui était lui aussi présenté. Et enfin Twilight Samourai de Yoji Yamada, film qui a remporté le prix du public et qui narre le long calvaire d’un samouraï dans le déclin, forcé de se provoquer un duel. Assez lent dans l’ensemble, le film s’envole tardivement lors de son final.
Le cinéma Coréen a, on le sait, des défauts propre à son modèle américain, une grosse production mais des films pas toujours de qualités voir même très mauvais. Mais ici et là quelques perles et cette année, le festival était bien loti côté coréen. La palme revient à The Road Taken de Hong Ki-Seon, film qui dépeint la très longue incarcération de Kim Sun-myung, arrêté en 1951 pour avoir été sympathisant communiste durant la guerre. Le film redore un peu l’image terne d’un certains cinéma stupidement nationaliste à l’image de Tae Guk Gi sorte de mauvaise refonte du Soldat Ryan avec au menu boucherie de communistes à perte de vue. Impressionnant dans sa complaisance. Autre film qui a séduit le public Dance with the Wind signé Park Jung-woo a su plaire avec un sujet plus ou moins original (un homme abandonne tout pour se consacrer à la danse) et offre quelques scènes assez drôles même si après réflexion, il est loin d’être mémorable. Autre bonne surprise, Once Upon a Time in High School : Spirit of Jeet Kune Do qui raconte le violent quotidien d’un lycée des années 70 derrière les yeux d’un fan absolu de Bruce Lee, très divertissant malgré une romance un peu longue (la durée à fait pas mal de dégât cette année). On poursuit avec une vaine et lamentable tentative de Wu Xia fantastique The Legend of Evil Lake signé Lee Kwang-hoon et oubliable à tous les niveaux. Enfin pour finir en beauté, un film réalisé par la pile atomique de cette édition Bon Man-dae, Sweet, Sex and Love n’a rien d’ambitieux et ne cache pas ses faiblesses de premier film, mais il est efficace dans son potentiel (comment dire …) aphrodisiaque.
Deux films présents, le meilleur comme le pire. Gagamboy d’Eric Matty, génial clone de Spiderman à mettre dans le panthéon du film purement jouissif. Délicieusement parodique et fun, le film a largement été acclamé malgré une projection tardive qui lui fait pas honneur. Enfin Jeffrey Jeturrian (déjà remarqué à Udine pour Fetch A Pale of Water) provoque une belle déception avec son Bridal Shower, comédie romantique bourré de clichetons et d’une durée excessive qui finit par noyer le film malgré ses bonnes intentions. Le réalisateur patauge dans ce film de commande et sans grand intérêt.
Ce n’est plus une surprise, on l’a crié maintes fois : Le cinéma de Hong Kong va mal à l’image de cette pauvre sélection qui mélange comédie romantique à l’eau de rose puissance mille (Turn Left, Turn Right), polar bâclé signé par un Wong Jing sans inspiration (Color of the Truth) et enfin comédie hystérique servis par de piètres acteurs (Dragon Loaded 2003). Pour ne pas sombrer dans l’alarmisme, on retiendra le sympathique Truth or Dare : 6th Floor Rear Flat de Barbara Wong qui fait rire la galerie sans pour autant casser des briques, ou encore Men Suddently in Black du jeune Pang Ho Cheung qui est moins original que son précédent film. Le doute plane encore sur ce metteur en scène un peu trop surestimé à mon goût mais impossible à ignorer quand on voit le reste de la production. Aux rang des projections très attendues par le public, les deux derniers volets de la trilogie « Infernal Affairs » (futur objet d’un remake) qui réunissent évidemment un casting de rêve (les plus importants sont présents) sans pourtant sauver les films de la déception. De la trilogie n’en restera qu’un goût amer et une pensée persistante : Quel gâchis. Pour finir, un ovni dont on ne comprend toujours pas la présence, le très mou du genou Heroic Duo avec un duo d’acteur (Leon Lai / Ekin Cheng) sous-exploité et un scénario sous-travaillé.
Avant de voir un film de la « mère patrie », il y a toujours un mauvais pressentiment qui guette, celui de trouver le film ennuyeux et conventionnel (voir académique pour les langues trop agitées) et cette méfiance s’est malheuresement confirmée une fois de plus. Tout d’abord avec les deux film du réalisateur Zhang Yuan « I Love You » et « Green Tea » qui malgré leurs beauté esthétique certaine (la photo du second est signée Christopher Doyle), ne parviennent jamais à décoller dans leurs intrigues, soporifiques au plus haut point. En quelques mots, des films romantiques très mal foutus qui ne servent à aucun moment leurs « prestigieux » castings. Belle surprise par contre du côté de « Baober in Love » de la réalisatrice Li Shaohong qui met en scène une sublime Zhou Xun dans une histoire déjà vue certes, mais visuellement très travaillé ce qui lui permet de sortir du lot. Certains y verront des ressemblances flagrantes avec certains films français mais on acceptera la référence sans mal.
Ici encore, une grosse surprise attendait les festivaliers avec le troisième film du réalisateur Yuthlert Sippapak Buppha Ratree, film qui échappe à toute classification par genre car il en regroupe pleins. A la fois film dramatique, romance ou encore film de fantôme (aux références plus que soulignées), on prend un malin plaisir à regarder ce film bancal mais vraiment drôle. Autre film remarqué durant le festival, Beautiful Boxer qui raconte l’histoire vraie d’un champion de box thaï, connu pour s’être travestie progressivement durant sa carrière. Enfin, un film purement commercial mais loin d’être désagréable, The Bodyguard qui reprend une bonne partie du casting d’Ong Bak dans une comédie d’action assez survoltée (le début est vraiment puissant) et ponctuée de répliques parfois hilarantes.
Note :
Le prix du public à été remis (après vote des festivaliers) à The Twilight Samourai suivi de peu par Tae Guk Gi et Nuan.